Chapitre 3.8
Gestion des risques et responsabilité professionnelle


Définition

Indemnisation : Action de dédommager une partie pour les dommages ou les pertes qu’elle a subis.

Responsable : Légalement lié; exposé à une pénalité; dans l’obligation de faire; exposé à quelque chose d’indésirable ou susceptible de subir quelque chose d’indésirable.

Risque : Une condition ou un événement incertains qui, s’ils se produisent, ont un effet positif ou négatif sur les objectifs d’un projet. (Project Management Institute, 2017)


Introduction

Le risque est essentiel pour toute entreprise commerciale. Il comporte à la fois des possibilités et des menaces. La gestion du risque suppose l’identification des risques potentiels; une évaluation du degré de risque; une décision réfléchie d’assumer ou non le risque pour saisir l’opportunité; et, si le risque est assumé, les étapes à suivre pour transférer ou atténuer la probabilité et l’impact de toute menace potentielle.

Le risque est inhérent à la réalisation de projets. On peut le gérer, mais on ne peut jamais l’éliminer complètement. Les risques surviennent tout au long de la carrière d’un architecte, lors de la création de la firme, pendant la vie de la firme et après la retraite. L’inaction peut parfois être plus risquée que l’action et l’une ou l’autre peuvent avoir des conséquences imprévues.

Le présent chapitre ne peut traiter de tous les risques imaginables dans une firme d’architecture, mais il examine certaines sources de risques et recommande de bonnes pratiques pour aider l’architecte à élaborer des stratégies de gestion des risques de projets et des risques de la firme.

Une grande partie de ce chapitre porte sur les sources de risques qui pourraient avoir un impact sur la firme d’architecture et ses projets de conception et sur les stratégies d’atténuation de ces risques s’ils survenaient. Une stratégie exhaustive de gestion des risques comprendra l’identification des risques; l’évaluation de leur probabilité et de leur impact; l’élaboration d’un plan de réponse aux risques; et le suivi des activités de la firme et des projets afin de prévoir les événements de risque avant qu’ils ne surviennent.

Note de l’éditeur : Les lecteurs de ce chapitre auront peut-être du mal à accepter les conseils sur la gestion des risques de la firme et des projets. Par exemple, les recommandations visant à supprimer certaines clauses particulières des contrats client-architecte peuvent être difficiles à accepter dans un contexte où c’est « à prendre ou à laisser ». Les modifications aux conditions contractuelles d’un client entraînent une disqualification automatique. Il n’y a pas de réponse simple à une telle situation et aucune autorité compétente ne peut forcer des clients à accepter des conditions contractuelles raisonnables et équilibrées. Le meilleur conseil est de dire « non » à des conditions contractuelles déraisonnables. À long terme, c’est la stratégie qui fonctionne.


Sources des risques d’un projet : phase préalable à l’entente

Sélection du client, sélection du projet et décision d’aller de l’avant ou non

Les risques se présentent comme des menaces et des possibilités. La sélection minutieuse des projets et des clients est un volet essentiel de la stratégie de gestion des risques d’une firme. Chaque client et chaque projet potentiels doivent être examinés de la même manière, que l’architecte :

  • vise un secteur particulier du marché;
  • réponde à une demande de propositions;
  • participe à un concours; ou
  • négocie avec un seul client pour la retenue de ses services.

Cet examen comprend une évaluation rigoureuse du mandat par rapport à une liste de contrôle « OUI-NON ». Cette liste cerne les menaces auxquelles s’expose l’architecte s’il désire aller de l’avant. Bien des listes de contrôle ont été créées par de grandes et de petites firmes et par des sociétés de gestion et des conseillers financiers. Certaines d’entre elles sont courtes et d’autres sont exhaustives. Certaines utilisent une formule de notation (par exemple, si cinq questions sur 20 ont une réponse négative, il ne faudrait pas aller de l’avant avec le projet en question). D’autres permettent à l’architecte de déterminer le degré de risque après avoir répondu à toutes les questions. L’architecte doit reconnaître que la réponse franche à plusieurs questions sera peut-être « je ne sais pas ».

On croit souvent à tort que l’analyse « OUI-NON » ne génère qu’une de ces deux réponses. Pourtant, la fonction principale de la liste de contrôle est de cerner les questions à régler pour passer du « non » au « oui », surtout si ces questions sont facilement négociables ou si elles peuvent être résolues en faveur de l’architecte.

Les architectes ont beaucoup de mal à déterminer quand ils doivent refuser une possibilité de projet. Une bonne liste de contrôle « OUI-NON » et une bonne analyse peuvent les aider à prendre une telle décision. Dans la mesure du possible, selon la taille de la firme, l’analyse devrait être effectuée par plus d’une personne.

Chaque firme devrait déterminer son propre processus d’analyse des risques et l’utiliser avant d’accepter un mandat. L’analyse peut minimiser les risques d’un mandat réalisé selon de mauvaises modalités contractuelles.

La liste de contrôle couvre d’importantes questions à prendre en compte, y compris, sans s’y limiter :   

  • la concordance du projet avec le plan marketing et le plan d’affaires;
  • tout conflit d’intérêt réel ou perçu;
  • le potentiel de profit et la structure des honoraires;
  • le processus de sélection;
  • le coût de la décision d’aller de l’avant;
  • le financement du projet, le budget du client (y compris les montants pour imprévus) et le financement adéquat en place;
  • l’expérience du client avec le type de projet et la réputation du client;
  • les ressources internes, la capacité et l’expérience;
  • les modalités du contrat;
  • la probabilité de recevoir le paiement intégral des services;
  • la disponibilité des ingénieurs et autres professionnels sous-traitants envisagés;
  • la concurrence et le fait de savoir si une firme peut faire concurrence.

Voir l’Annexe B – Autres questions à prendre en compte dans l’évaluation du degré de risque pour la firme et le projet à la fin du chapitre.

Il est important d’évaluer un client potentiel avant d’accepter le mandat et il est essentiel de le faire avant le début du projet, car cela peut réduire considérablement le risque d’affaires. L’évaluation d’un client potentiel peut consister à :

  • se demander si le nouveau client est réceptif à l’idée de verser un acompte;   
  • consulter des collègues, y compris des architectes, des ingénieurs, des consultants en coûts et des entrepreneurs sur leurs expériences passées avec le client en ce qui concerne :
    • ses processus décisionnels : le client prend-il ses propres décisions?
    • ses processus de paiement : le client a-t-il la réputation de payer pour les services rendus?
  • évaluer le degré de sophistication du client en examinant son expérience en matière de planification d’investissement et de projets de conception et de construction.

Les architectes doivent évaluer les capacités de leur firme à fournir les services et déterminer si elle dispose de l’expertise et des ressources nécessaires pour mener à bien le projet. Lorsqu’une firme va de l’avant avec un projet qui dépasse ses capacités, cela pose des risques importants pour le respect de la portée, de la qualité, du calendrier, du budget et des objectifs de satisfaction des parties prenantes du projet de conception. Ces risques peuvent comprendre :

  • l’insuffisance des ressources disponibles en cas de besoin, qui se traduit par une multiplicité des tâches inefficace, un nombre excessif d’heures supplémentaires et l’épuisement des employés, le tout conduisant à des erreurs et des omissions;
  • des ressources plus importantes que prévu pour la recherche et la coordination, ce qui entraîne un retard dans l’échéancier;
  • un manque apparent de capacités entraînant une diminution de l’engagement des employés et des experts-conseils;
  • dans la situation la plus extrême, une plainte pour faute professionnelle, résultant de l’incapacité à fournir des services d’architecture avec une compétence et un jugement raisonnables.

Sélection du projet

À l’examen des possibilités et des menaces, certains projets présentent un plus grand risque que d’autres. Il est important d’en tenir compte dans la décision d’aller de l’avant ou non.   

Les immeubles de copropriétés résidentielles, qui sont une source fréquente de recours en responsabilité professionnelle contre les architectes et autres professionnels de la conception, sont un exemple de projets potentiellement à haut risque. Il y a plusieurs raisons à cela. Ainsi :

  • Les promoteurs peuvent chercher à réduire la qualité comme moyen d’augmenter leurs profits. Cela pourrait conduire à l’utilisation de matériaux et à des pratiques de construction inférieurs aux normes ou carrément inacceptables.
  • Les promoteurs peuvent chercher à réduire l’étendue de la participation des architectes et des ingénieurs pendant la réalisation du projet, en particulier lors de la surveillance générale des travaux et de l’administration du contrat de construction. (Voir le chapitre 6.6 – Administration du contrat – Tâches de bureau et de chantier).
  • Dans bien des cas, lorsqu’un litige est engagé par rapport à un projet de copropriété, le promoteur et de nombreux sous-traitants peuvent avoir légalement dissous leurs entreprises, laissant les professionnels comme seules parties aptes à contester la réclamation.
  • Les acheteurs des unités de copropriété peuvent avoir des attentes irréalistes et peuvent être présentés comme étant sympathiques aux plaignants.

Les architectes peuvent prendre des mesures pour se prémunir contre ces risques en sélectionnant soigneusement leurs clients. Ils doivent aussi faire preuve de la diligence nécessaire dans la négociation des contrats de services professionnels avec le client, qui peuvent comprendre une clause d’indemnisation en faveur de l’architecte ou une clause de limitation de la responsabilité.

Certains modes de réalisation des projets peuvent augmenter le degré de risque, comme le design-construction, les partenariats public-privé (PPP) et d’autres modes de réalisation des projets.

Ces autres modes de réalisation peuvent comporter un transfert de risque inapproprié à l’architecte, bien au-delà de ce qui est exigé par la loi, et potentiellement non couvert par la police d’assurance responsabilité professionnelle. Comme pour d’autres modes de réalisation des projets, il est recommandé de faire preuve d’une diligence raisonnable en évaluant l’entité chargée du design-construction ainsi que le client ou le propriétaire final du projet. Pour ces projets, l’architecte doit examiner et négocier soigneusement le contrat. Il devrait d’ailleurs consulter un conseiller juridique et son assureur à cette fin.


Constituer l’équipe de professionnels

Si l’analyse « OUI-NON » mène à la décision d’aller de l’avant, il faudra minimiser les risques en constituant une équipe de professionnels appropriée pour le projet et le type de client. La firme d’architecture devra peut-être embaucher du personnel additionnel, former une alliance stratégique avec une autre firme dont elle deviendra sous-traitante ou former un consortium avec une autre firme.

Chacune de ces options mérite qu’on l’examine attentivement sous l’angle de :

  • la position concurrentielle de la firme;
  • la prestation des services en cas d’obtention du mandat.

La sélection des ingénieurs est tout aussi importante que celle des clients. L’utilisation de l’Annexe D – Questions à prendre en compte au moment de constituer l’équipe de professionnels, à la fin de ce chapitre, est utile pour sélectionner les principaux conseils du projet (ingénieurs en structure, en mécanique et en électricité).    

Même si le client prévoit d’engager les ingénieurs directement par contrats distincts, l’architecte devra généralement gérer et coordonner leurs apports; par conséquent, la liste de contrôle de l’Annexe D est toujours pertinente. La portée du rôle de coordination doit être clairement définie dans le contrat client-architecte, y compris l’établissement de protocoles de communication avec les autres conseils et consultants ainsi qu’avec le client.

Dans certains cas, le client peut insister pour que l’architecte retienne les services d’un ingénieur ou autre consultant de son choix. Si l’architecte n’a jamais travaillé avec celui-ci, il peut envisager d’ajouter une clause d’indemnisation dans le contrat client-architecte ou de documenter d’une autre manière ses préoccupations par rapport à l’obligation qui lui est faite d’utiliser les services de ce professionnel. L’architecte devra par ailleurs s’assurer que cet ingénieur ou autre consultant détient une assurance responsabilité professionnelle adéquate.

Il est également important de reconnaître l’importance de la « chimie » dans une équipe. La réussite d’un projet dépend souvent de cette chimie, c’est-à-dire de la capacité de tous les membres de l’équipe à bien travailler ensemble. L’architecte peut aimer travailler toujours avec les mêmes ingénieurs, considérant que cela facilite et accélère le travail tout en permettant de réaliser les projets plus facilement, plus rapidement et de façon moins coûteuse et en assurant la satisfaction au client et la réalisation d’un profit. Par contre, il peut être opportun de travailler avec de nouveaux ingénieurs si cela peut favoriser l’obtention du contrat, surtout si le client en manifeste le désir ou si le projet requiert une expertise particulière. Chaque projet doit être évalué en fonction de ses propres mérites et de ses caractéristiques uniques.

L’architecte doit toujours préparer un contrat écrit qui détermine les rôles, les attentes et les responsabilités des parties, ainsi que la rémunération de l’ingénieur ou du consultant. Il doit éviter de se fier à l’expérience comme mode de fonctionnement normal. Les bonnes relations peuvent être mises à mal si des questions de routine, telles que l’étendue des services, le nombre de visites au chantier ou la responsabilité de l’examen des dessins d’atelier, ne sont pas clairement indiquées et comprises par toutes les parties. Il ne faut rien tenir pour acquis. Il est recommandé aux architectes d’utiliser le Document Neuf de l’IRAC : Formule canadienne normalisée de contrat entre architecte et ingénieur ou autre consultant.

Il est également important que les ingénieurs et autres consultants engagés par l’architecte soient liés par les dispositions du contrat principal entre l’architecte et le client. Il n’est pas recommandé à l’architecte d’accepter les conditions générales proposées par un ingénieur ou autre consultant, car ces conditions peuvent contenir des clauses qui augmentent la responsabilité de l’architecte. L’architecte doit porter une attention particulière aux exigences en matière d’assurance et aux dispositions relatives aux limitations de responsabilité lors de la conclusion de contrats avec des ingénieurs ou autres consultants.

Dans tous les cas, les ingénieurs et autres consultants doivent détenir une assurance responsabilité professionnelle d’un niveau approprié. Dans l’exercice de sa diligence raisonnable, l’architecte doit obtenir leurs certificats d’assurance sur une base annuelle pendant la durée du projet, et au-delà si les circonstances le justifient. Les limites de l’assurance doivent refléter les exigences du contrat principal. Dans certains cas, il est possible que certains consultants spécialisés ne détiennent pas d’assurance responsabilité professionnelle ou ne soient pas en mesure d’obtenir les niveaux requis à cet égard.

Un architecte peut envisager de conclure des contrats-cadres de services avec certains ingénieurs, qui définissent les principales modalités d’une relation. Malgré ces contrats-cadres, il devra évaluer chaque projet en fonction de ses exigences individuelles, et définir clairement et par écrit, certains points tels que l’étendue du mandat pour chaque projet.

S’il envisage de créer un consortium, l’architecte devra documenter adéquatement la relation contractuelle et examiner le projet d’entente avec son conseiller juridique et son assureur de la responsabilité professionnelle.

Un client peut demander que l’architecte retienne les services de consultants chargés de faire des études sur un bâtiment existant ou sur des conditions existantes. Comme le maître de l’ouvrage tire des avantages du fait qu’il est propriétaire du bâtiment, il doit assumer la responsabilité des risques qui y sont associés. Il lui incombe en conséquence de gérer ces risques de propriétaire en engageant lui-même certains consultants spécialisés, notamment :

  • les ingénieurs géotechniques;
  • les ingénieurs en matières dangereuses;
  • les géomètres;
  • les ingénieurs en environnement.

Voir le chapitre 2.3 – Conseils et consultants pour de l’information sur les divers consultants.


La demande de propositions, la proposition et le risque

Une fois que la décision est prise pour aller de l’avant et que les ingénieurs ont été identifiés et, souhaitons-le, retenus, la firme commence à préparer sa proposition de services. Elle devra y consacrer le temps nécessaire, car cette proposition lui offre une occasion de convaincre le client de lui octroyer le mandat.

Bien souvent, le client potentiel inclura les modalités du contrat dans sa demande de propositions. Il faudra les examiner soigneusement et en tenir compte dans la proposition de services. Parfois, il sera possible de soulever des questions ou de proposer des modifications à ces modalités dans un délai déterminé. Dans d’autres cas, il sera expressément indiqué qu’aucune modification aux modalités du contrat ne sera autorisée. Si les modalités proposées constituent un écart marqué avec celles des formules de contrats sanctionnées par son ordre professionnel, l’architecte devra les examiner avec son conseiller juridique et son assureur de responsabilité professionnelle. Il pourra aussi en informer son ordre d’architectes provincial ou territorial qui décidera peut-être de publier un bulletin spécial à l’intention de ses membres pour alerter les autres architectes sur le caractère onéreux du contrat proposé.

En ce qui concerne la préparation de la proposition elle-même, l’architecte doit veiller à ne pas faire de promesses ou prendre des engagements qu’il ne pourra tenir. Dans la plupart des cas, la demande de propositions est incluse au contrat entre les parties et demeure un document auquel on peut se fier pendant et après la réalisation du projet.


Accords de non-divulgation

Il peut arriver, à l’étape de la préparation des propositions, que le client ou d’autres partenaires d’affaires demandent à l’architecte de conclure un accord distinct de confidentialité et de non-divulgation. Or, ces accords peuvent comporter des obligations de grande portée et, comme d’autres types d’accords, il faut les examiner avec soin. L’architecte avisé consultera un conseiller juridique avant de les signer. Dans la plupart des cas, ces accords visent à préserver la confidentialité des détails du projet. Ils peuvent toutefois avoir une très large portée et faire en sorte que même une divulgation involontaire constitue un manquement, ce qui permet d’exiger le paiement de dommages-intérêts. De plus, les ingénieurs et autres consultants engagés par l’architecte devront aussi conclure un accord de confidentialité avec des conditions similaires à celles de l’architecte.


Représentants du maître de l’ouvrage et gestionnaires de projets engagés par contrat

Les maîtres de l’ouvrage peuvent retenir les services d’une tierce partie sous contrat pour agir comme leur représentant autorisé. Le rôle de cette personne ou entité variera d’un projet à l’autre. Bien souvent, il est très utile d’avoir un gestionnaire de projet en place, surtout si le maître de l’ouvrage s’y connaît peu et n’a pas d’expérience en matière de conception et de construction. Il sera probablement plus facile de traiter avec un gestionnaire de projet expérimenté qui connaît le domaine. Toutefois, ce type de contrat entre le client et un tiers présente aussi des inconvénients pour l’architecte, qui perd ainsi la possibilité de communiquer directement avec le client et qui s’expose au risque d’un transfert du risque d’affaires et de responsabilité du gestionnaire de projet. Ce type de contrat peut aussi obliger l’architecte à consacrer plus de temps au projet, car le gestionnaire de projet a souvent des exigences supérieures en matière de production de rapports que ce à quoi l’architecte est habitué. Si le maître de l’ouvrage a l’intention d’engager un gestionnaire de projet tiers, l’architecte doit s’assurer que son propre contrat avec le client définit très clairement la portée de ses services, pour éviter les lacunes et les chevauchements dans la prestation des services, et qu’il établit clairement les rôles et responsabilités de chacun.

Un gestionnaire de projet tiers peut s’engager envers le maître de l’ouvrage à réaliser des économies et à respecter un calendrier donné. Il peut alors avoir tendance à examiner minutieusement les documents de conception de l’architecte afin de trouver des économies en réduisant la qualité et en simplifiant le concept. Il peut s’attendre à ce que l’architecte accepte le risque associé à l’utilisation de matériaux inappropriés, à des détails médiocres et à une construction de qualité inférieure. L’architecte doit être conscient qu’il est seul responsable de la qualité des services fournis.

Dans le cadre de son processus de sélection d’un client par l’analyse « OUI-NON », l’architecte doit tenir compte de l’identité et du rôle d’un gestionnaire de projet tiers. Toute entente avec le client devra être négociée en gardant cela à l’esprit.


Sources des risques d’un projet : contrats client-architecte

Il est non seulement professionnel, mais aussi de bonne pratique, d’avoir un contrat écrit clair qui définit les rôles et les responsabilités du client et de l’architecte. La firme d’architecture doit avoir une politique qui exige la conclusion d’un contrat écrit pour tous les projets, quels que soient la taille du projet, le montant des honoraires ou la durée de la relation avec le client. Il est toujours recommandé d’utiliser la Formule canadienne normalisée de contrat pour les services de l’architecte, Document Six de l’IRAC.

Le Document Six de l’IRAC a été mis à jour en 2018 après une vaste consultation des parties prenantes du milieu de la conception, y compris des représentants des maîtres d’ouvrage, les assureurs de la responsabilité professionnelle, les ordres d’architectes provinciaux et d’autres groupes d’intérêt. Le Document Six reflète une approche équilibrée à la relation entre le client et l’architecte et prévoit une distribution raisonnable et appropriée des responsabilités et des risques. Les formules normalisées de ce type peuvent parfois nécessiter des modifications mineures pour répondre à la situation particulière de la firme d’architecture et du projet.

Certains architectes ont créé leurs propres formules de contrat normalisées en s’inspirant du Document Six de l’IRAC ou des formules de contrat normalisées de leur ordre d’architectes provincial ou territorial.

L’architecte ne doit jamais conclure une entente verbale. Certains ordres d’architectes disposent d’une formule de contrat abrégée qui peut servir de contrat provisoire ou lier les parties jusqu’à la signature d’une formule de contrat normalisée.

L’architecte ne doit jamais accepter qu’un bon de commande du client serve de contrat. Les bons de commande peuvent être des documents additionnels à un contrat. Toutefois, ce type de documents sert généralement à l’achat de matériaux et d’équipement plutôt qu’à l’approvisionnement en services professionnels de conception. Les bons de commande sont généralement très onéreux et contiennent de nombreuses obligations inappropriées et non assurables, y compris des garanties.

L’une des meilleures façons de réduire les risques est d’examiner attentivement le contrat client-architecte avec le client et de discuter clause par clause :

  • des services qui seront fournis;
  • de ce que suppose la prestation de ces services;
  • de ce qui n’est pas inclus dans le contrat;
  • de la répartition des risques;
  • de la norme de diligence;
  • du paiement des honoraires;
  • de la résiliation;
  • du règlement des différends.

La négociation du contrat donne également une occasion de comprendre les motivations du client et son attitude face au risque et à d’autres éléments. Elle est une partie importante de l’analyse « aller de l’avant ou non ».

Les architectes doivent gérer les attentes tout autant que les risques. Les problèmes surviennent souvent plus tard dans le projet parce que les attentes des deux parties diffèrent. Un examen précoce de la formule de contrat permet d’éviter bien des problèmes.

Il est parfois nécessaire d’apporter des modifications mineures aux formules de contrat normalisées, mais dans la mesure du possible, il faut éviter d’y apporter des modifications importantes ou d’y ajouter des conditions supplémentaires. Les modifications acceptées par les deux parties doivent être signées ou paraphées par chacune d’entre elles. Comme les modifications à la formule normalisée peuvent créer un risque additionnel pour l’architecte, il est recommandé de les examiner avec l’assureur de la responsabilité professionnelle ou le conseiller juridique.   

Si le client est une société par actions, l’architecte doit s’assurer que la personne qui signe le contrat en son nom a le pouvoir d’engager la société. En cas de doute, l’architecte peut demander une copie de la résolution du conseil d’administration qui confère cette autorisation à la personne en question. De même, si le client est une entité publique, l’architecte devra s’assurer que la personne a l’autorité de signer le contrat et que cette autorité lui est confiée par l’entité responsable (cette information apparaîtra peut-être dans les règlements administratifs de cette entité). Si un architecte conclut un contrat avec une société de personnes, il doit déterminer qui est autorisé à conclure des contrats pour cette société. Enfin, si un architecte travaille pour plusieurs personnes (par exemple, un couple), il peut souhaiter que les deux parties signent le contrat.

Certains clients privés ou institutionnels, en particulier de grandes sociétés et certains ministères, préféreront utiliser leurs propres formules de « contrat type » plutôt que la Formule canadienne normalisée de contrat pour les services de l’architecte. Or, ces contrats sont généralement rédigés en faveur du client, souvent au détriment des intérêts de l’architecte. Avant de signer un tel contrat, l’architecte doit l’examiner attentivement avec son conseiller juridique et son assureur de la responsabilité professionnelle afin de déterminer l’étendue des risques qui sont assumés en plus de ceux prévus dans les formules normalisées et les exigences de la common law ou du Code civil. Il est possible que certains de ces risques ne soient pas couverts par la police d’assurance responsabilité professionnelle de l’architecte.

Les variantes aux formules de contrat normalisées apportées par les clients comprennent souvent les phrases ou conditions suivantes :

  • l’architecte garantit les travaux de l’entrepreneur;
  • l’architecte cède ses droits d’auteur au client;
  • le client ne paie pas pour l’impression des dessins;
  • l’architecte fournit un nombre déterminé de jeux de dessins et devis;
  • l’architecte garantit la délivrance du permis de construire;
  • l’architecte garantit l’estimation du coût de construction;
  • l’architecte garantit l’obtention de la certification LEED ou d’une autre certification;
  • l’architecte ne visite le chantier qu’à la demande du client;
  • l’architecte engage un arpenteur-géomètre, un ingénieur géotechnique et un consultant en matières dangereuses;
  • la performance de l’architecte sera supérieure à la norme de diligence;
  • l’architecte est responsable de la sécurité au chantier et des moyens, méthodes et ordonnancement des travaux de l’entrepreneur;
  • « le temps est un facteur clé » et la prestation des services et la construction dans les délais prévus doivent être garanties;
  • les honoraires de l’architecte peuvent être retenus ou diminués.

Ces contrats comportent souvent des clauses qui, en plus d’accroître la responsabilité de l’architecte, ne sont pas couvertes par l’assurance responsabilité professionnelle. On peut citer en exemple :

  • une garantie de performance;
  • une garantie de conformité au code;
  • une garantie des travaux de tous les autres participants;
  • une responsabilité à l’égard des dommages-intérêts ou des pénalités;
  • une indemnité.

Comme référence additionnelle, voir l’Annexe C – Liste de contrôle : Examen d’un contrat, fournie par AXA SL Insurance, à la fin de ce chapitre.

L’architecte ne doit jamais garantir aucun aspect de ses services professionnels.


Clauses contractuelles préoccupantes

Indemnisation
Bien que toutes les modalités et les conditions d’un contrat préparé par le client doivent être examinées attentivement, il faut porter une attention particulière à la clause d’indemnisation, car elle est celle qui peut avoir les plus grandes incidences sur le plan des risques. En termes simples, le mot « indemniser » signifie rembourser un client à la suite d’une perte. Si un architecte accepte d’indemniser un client pour quelque dommage qui n’est pas causé par sa propre négligence, il sera contractuellement responsable de dommages dont il n’aurait pas été responsable en vertu de la common law.

Toute hypothèse d’indemnisation qui va au-delà de la négligence est problématique du point de vue de l’assurabilité. La plupart, sinon la totalité, des polices d’assurance responsabilité professionnelle comportent une exclusion de responsabilité contractuelle qui s’appliquerait dans de telles circonstances.

De plus, l’architecte ne doit jamais accepter de « prendre la défense » du client dans une procédure judiciaire. Il est fort probable que cela ne soit pas couvert par sa police d’assurance, qui ne paiera généralement pas la défense juridique du client à l’avance. Les polices d’assurance ne rembourseront au client qu’une partie de leurs frais, et seulement après que la négligence et les dommages auront été établis.

Voici d’autres clauses à examiner attentivement. La liste n’est en aucun cas exhaustive.

Exigences des prêteurs et certifications
Il se peut que les contrats préparés par les clients exigent de l’architecte qu’il collabore avec les prêteurs et signe des documents sur lesquels le prêteur est en droit de se fonder. Il faut éviter de signer de tels documents, car ils peuvent inclure des certifications et des garanties qui ne sont pas couvertes par la police d’assurance responsabilité professionnelle. Tout engagement envers des tiers doit être supprimé du contrat de l’architecte avec son client. Même si ce n’est pas dans le cadre de l’engagement contractuel, il peut arriver que l’architecte soit invité à signer des documents préparés par le prêteur pendant la durée du projet. Là aussi, il faut éviter de le faire et l’architecte qui aurait signé un tel document malgré tout devrait le soumettre à l’examen de son avocat et de son assureur de la responsabilité professionnelle.

Droits d’auteur et propriété des documents
Bien souvent, le client souhaitera que les droits d’auteur de l’architecte lui soient transférés. Il ne faut pas acquiescer à une telle demande. Le contrat doit stipuler spécifiquement que l’architecte conserve les droits d’auteur et la propriété des documents. Si l’architecte décide de céder ces droits, il doit insister pour qu’une clause du contrat les protège contre toute modification ou autorisation non utilisée. Il peut s’agir d’une clause d’exonération de responsabilité et d’indemnisation.

Design-construction et partenariats public-privé
Il est très important que l’architecte dont les services sont retenus dans le cadre de ces modes de réalisation de projets signe un contrat équilibré. Il devrait soumettre tous les contrats qui lui sont proposés à l’examen attentif de son conseiller juridique et de son assureur de la responsabilité professionnelle. Dans nombre de ces contrats, d’autres parties peuvent chercher à transférer des risques inappropriés et non assurables à l’architecte, par exemple des garanties, des certifications ou la responsabilité de dommages-intérêts.

Limitation de responsabilité
Il est recommandé d’inclure une clause de limitation de responsabilité comme celle du Document Six de l’IRAC dans tous les contrats entre client et architecte. Il devient encore plus important de le faire lorsqu’une firme décide d’accepter un certain degré de risque non assuré.* La clause de limitation de la responsabilité est considérée comme une clause qui favorise l’entente pendant la négociation d’un contrat et il est recommandé de l’inclure dans tous les contrats. La responsabilité peut être limitée à un montant prédéterminé ou au montant de l’assurance disponible au moment d’un règlement ou d’un jugement.

*Note : Certains ordres d’architectes provinciaux ou territoriaux considèrent comme une faute professionnelle le fait pour une firme d’architecture de fournir des services qui ne sont pas assurables en vertu d’une police d’assurance responsabilité professionnelle.

Norme de diligence
Il arrive parfois qu’un client insère dans ses contrats une clause relative à la diligence qui va au-delà de ce qui est autrement exigé par la loi. Les termes « plus élevé », « de première classe » et « meilleur » sont des exemples de termes inacceptables. Un autre exemple est l’insistance d’un client à créer une relation fiduciaire entre le client et l’architecte. D’autres clauses peuvent exiger que les services soient exécutés à « la satisfaction du client » ou « exempts de tout défaut ». Toutes ces conditions posent des problèmes d’assurabilité. L’article CG 7.1 du Document Six de l’IRAC définit la norme de diligence comme étant « la norme de diligence généralement exercée par les autres membres de leur profession dans des circonstances semblables, au même moment et au même endroit ou à un endroit semblable ».

Le temps est un facteur essentiel
Cette phrase apparaît dans nombre de documents rédigés par les clients et il faut la supprimer. Cette clause peut constituer une augmentation de la norme de diligence et elle pose donc problème. Bien des circonstances hors du contrôle de l’architecte ont des incidences sur le calendrier du projet. Toute obligation contractuelle relative au respect des délais d’exécution doit être liée à la norme de diligence imposée par la loi.

Conception durable et certifications
Bien des clients consciencieux en matière environnementale, ou soucieux de le paraître, peuvent demander que leurs bâtiments soient conformes aux exigences ou obtiennent une certification d’un système d’évaluation de bâtiment durable, comme LEED. L’architecte ne devrait jamais garantir ou promettre qu’un bâtiment obtiendra une telle certification. La certification suppose des éléments de conception particuliers, mais aussi des procédures de construction qui relèvent de la responsabilité de l’entrepreneur et certaines normes d’exploitation et de documentation qui relèvent du propriétaire du bâtiment, ce qui rend ces éléments hors du contrôle de l’architecte. De plus, comme la certification est basée sur une évaluation d’un organisme indépendant, il est impossible de garantir sa conclusion. Comme pour d’autres garanties de performance, cela créerait des problèmes d’assurabilité.

Honoraires professionnels
L’architecte devrait envisager de refuser un projet pour lequel le client cherche selon lui à payer des honoraires insuffisants. Les honoraires insuffisants peuvent être un signal d’alarme pour de futurs problèmes de budget et de paiement. Si les honoraires sont le principal facteur de sélection des professionnels, l’architecte doit y voir un signe d’avertissement. L’architecte ne doit pas se laisser influencer par la promesse de contrats futurs. Dans certains cas, il voudra peut-être demander un acompte sur ses honoraires. C’est une mesure particulièrement conseillée lorsqu’il s’agit d’un nouveau client.

Si les honoraires d’un projet donné ne correspondent pas aux services professionnels requis, l’architecte doit tenter de les renégocier. S’il n’est pas possible de les renégocier, l’expérience et les « leçons tirées de l’expérience » doivent être prises en considération au moment de calculer les honoraires de projets futurs pour le même client. La qualité des services professionnels ne doit en aucun cas être compromise. On ne doit pas croire que les pertes encourues à la conception seront compensées par des gains à la phase d’administration du contrat; des études ont démontré que les profits réalisés à cette dernière étape ne représentent que 50 % des profits réalisés à l’étape de la conception du projet préliminaire et définitif.

Comme indiqué précédemment, les honoraires devraient être proportionnels à l’étendue des services requis pour le projet. Voir le document Mastering the Business of Architecture (à l’extérieur de l’Ontario, ce document est intitulé Mastering the Business of Design). Cette publication détaille les services que l’architecte peut fournir. Le client et l’architecte peuvent l’utiliser pour établir quels services seront nécessaires pour un projet donné, et s’entendre ensuite sur les honoraires.

Voir aussi le document de l’IRAC intitulé, Un guide aidant à déterminer les honoraires appropriés pour les services d’un architecte.


« Tous les autres architectes acceptent de signer ce contrat, pourquoi pas vous? »

Certains clients prétendent que « tous les architectes acceptent de signer ce contrat ». Cette affirmation est un signal d’alarme et l’architecte devrait réfléchir sérieusement avant d’accepter ce contrat et les risques qu’il présente. En effet :

  • l’affirmation est incorrecte, car ce ne sont pas tous les architectes qui acceptent de signer de tels contrats;
  • d’autres architectes les ont peut-être signés en étant conscients des risques et en espérant que tout se déroule bien (de fait, il se peut qu’aucun problème ne surgisse, mais le risque en vaut-il la peine?);
  • d’autres architectes ont pu les signer, mais ont dû par la suite accepter les conséquences fâcheuses de leur geste – nous ne le saurons jamais.

Lorsqu’un contrat comporte des clauses de ce genre, l’architecte avisé :

  • en discute avec des architectes qui les ont acceptées dans le passé;
  • les étudie avec son conseiller juridique, son assureur en responsabilité professionnelle et même son ordre d’architectes;
  • évalue le risque;
  • tente de négocier des modifications avec le client;
  • envisage de refuser le projet.

Lorsque l’architecte prend la décision d’accepter les conditions du client et les risques qui s’y rattachent, il a intérêt à obtenir, avant de signer son contrat, l’assentiment des ingénieurs sous-traitants pour les parties qui les concernent. Ils ne veulent peut-être pas accepter des conditions qui ne sont pas couvertes par leurs polices d’assurance responsabilité professionnelle. L’architecte doit régler ces questions avant la conclusion du contrat, sinon sa position de négociation, une fois le contrat signé, sera très faible.

En tant que consultant principal, l’architecte peut être tenu responsable des actes de ses ingénieurs sous-traitants par la doctrine juridique de la responsabilité du fait d’autrui; c’est pourquoi il est très important de s’assurer que les ingénieurs et autres conseils sous-traitants sont liés par les modalités du contrat principal.

Enfin, l’architecte doit être prudent et ne pas promettre la performance non corroborée de certaines caractéristiques de conception durable, comme une hausse de la productivité des employés ou un faible roulement du personnel, car le client insatisfait pourrait intenter un recours.

Les modifications concernant la portée des services ou d’autres questions essentielles apportées pendant la durée du projet doivent être consignées par écrit sous la forme d’un avenant au contrat.


Sommaire

Quelle que soit sa taille, toute firme d’architecture doit mettre en place un protocole d’examen des contrats pour s’assurer qu’une personne ayant les compétences et l’expérience requises en examine soigneusement les modalités. La firme doit aussi établir des lignes directrices quant aux personnes, au sein de la firme, qui peuvent signer des contrats.

Certains ordres d’architectes provinciaux et territoriaux ont publié des bulletins sur les contrats préparés par des clients qui posent des problèmes d’assurabilité. Ils ont déterminé que la conclusion de tels contrats était un problème potentiel de conduite professionnelle et exposait leurs membres à des mesures disciplinaires et ils ont informé leurs membres que les risques d’affaires non assurables sont aussi un risque potentiel pour l’intérêt public.

Plusieurs publications et outils de formation traitent des questions relatives aux contrats de services professionnels pour les architectes et autres professionnels de la conception. En outre, la plupart des ordres professionnels fournissent du matériel pédagogique sur ce sujet. Enfin, de nombreuses sociétés d’assurance responsabilité professionnelle mettent des ressources à la disposition de leurs assurés. Les architectes sont vivement encouragés à s’informer sur ce sujet important.

Dans ce chapitre, nous avons soulevé certains points qui peuvent poser problème, mais il faut savoir qu’il y en a d’autres.


Sources des risques du projet : conception préliminaire et définitive

Les trois principaux risques qui se présentent à l’étape de la conception du projet (phases préliminaire et définitive) sont les suivants :

  • que la firme perde de l’argent en produisant les documents;
  • que le coût du projet excède le budget;
  • qu’une erreur ou une omission dans les documents mène à une poursuite.

Systèmes intégrés des données du projet et modélisation des données du bâtiment (MDB)

L’avènement des méthodes de modélisation des données du bâtiment (MDB) soutenues par des logiciels évolués et des processus de conception innovants favorise l’atteinte d’une efficacité et d’une efficience optimales dans la conception et la construction. Utilisée dans la plus grande mesure possible, la MDB se traduirait par un système intégré des données du projet dans lequel les données, l’information et, potentiellement, les connaissances circuleraient plus librement pendant toute la chaîne de conception-construction-exploitation. La MDB ne porte pas seulement sur les modifications apportées aux processus de conception, mais elle porte aussi sur de nouveaux processus d’affaires. Bien des partisans de la MDB prétendent que ces nouveaux modes de documentation et de modélisation réduiront les conflits entre des éléments de conception et favoriseront une meilleure coordination des documents de construction et donc, une réduction des réclamations. L’Institut pour la BIM au Canada (IBC) a publié une Annexe relative au contrat de MDB à joindre aux contrats client-architecte, architecte-consultant et client-entrepreneur qui détermine les responsabilités liées à l’utilisation du modèle d’un bâtiment. Le Comité canadien des documents de construction (CCDC) a quant à lui publié le CCDC 30 – Contrat de réalisation de projet intégrée 2018. Ce contrat multipartite établit les nouvelles relations dans la chaîne d’approvisionnement de conception-construction-exploitation.

Au moment de publier le présent Manuel, il n’y a pas suffisamment d’antécédents dans l’utilisation de la MDB et de la réalisation de projet intégrée (RPI) pour tester ces prétentions ou sensibiliser aux risques qu’elles comportent. Il est prématuré d’évaluer les conséquences juridiques de ces formules de contrat et les architectes seraient avisés de les examiner attentivement avec leur avocat.

AXA XL a publié « BIM projects : Top 10 loss prevention recommendations ». Voir https://axaxl.com/-/media/axaxl/files/pdfs/design-professional/about/bimtop-10-loss-prevention-recommendations_us_ca.pdf

Dans sa gestion des risques liés au projet préliminaire et au projet définitif, l’architecte doit tenir compte des aspects suivants.

Composition de l’équipe de conception
Il faudra peut-être réévaluer la « chimie » entre les divers membres de l’équipe du projet (et envisager des changements si les relations de travail ne sont pas harmonieuses). En plus des relations au sein de la firme, l’architecte doit tenir compte des relations avec le client et avec l’entrepreneur et les divers sous-traitants au chantier.

Certains contrats préparés par des clients comprennent une clause qui permet le remplacement du personnel impliqué dans le projet, à la discrétion du client. Le cas échéant, il y a lieu d’ajouter que le client doit agir de manière raisonnable lorsqu’il prend une décision relative au remplacement d’une personne.

Modes de réalisation des projets
Il existe plusieurs modes de réalisation des projets et chacun d’entre eux comporte des risques particuliers pour l’architecte.

Il est essentiel que les parties comprennent bien le rôle de l’architecte et l’étendue de ses services pour chaque mode de réalisation des projets et qu’elles utilisent la formule de contrat appropriée. Les architectes doivent consulter leur avocat et leur assureur de la responsabilité professionnelle lorsqu’ils envisagent de conclure un contrat selon un mode de réalisation de projet avec lequel ils ne sont pas familiers.

Des administrations publiques de tous ordres utilisent aujourd’hui d’autres modes de réalisation de projets, comme les partenariats public-privé (PPP) pour transférer de nombreux risques de projet et risques financiers au secteur privé (la terminologie varie selon les provinces et territoires). Comme la plupart des projets réalisés en mode PPP sont de grande envergure et que les enjeux sont très élevés, les architectes sont invités à s’assurer que tous les contrats de services professionnels pour les projets réalisés en PPP soient conçus et examinés par leurs avocats et leurs assureurs de responsabilité professionnelle. Nombre de ces contrats pourraient entraîner un risque non assuré pour l’architecte.

Les architectes doivent également faire preuve d’une diligence raisonnable en ce qui concerne la sélection du client et les modalités contractuelles d’un projet réalisé en mode design-construction.

Ces contrats contiennent souvent des clauses problématiques typiques, reliées notamment aux exigences du client en matière de garanties et au transfert au professionnel de la conception de la responsabilité des dommages-intérêts forfaitaires en cas de retard.

Voir le chapitre 4.1 – Modes de réalisation des projets de conception-construction.

Voir aussi le document publié par l’IRAC, Un guide servant à déterminer les honoraires appropriés pour les services d’un architecte qui traite des avantages et des inconvénients de chaque mode de réalisation des projets et des risques qui y sont associés.

Gestion du projet de conception
Les firmes devraient utiliser une méthode de gestion de projet qui leur permet de faire un suivi de la portée du projet, du calendrier et des coûts. Ces renseignements l’aideront à gérer les ressources du projet, à maintenir l’équipe sur la bonne voie pour respecter le calendrier, à fournir de l’information sur les coûts et à produire des données historiques pour la planification des projets ultérieurs. Il existe plusieurs logiciels de gestion de projets; l’essentiel reste toutefois de faire preuve de discipline pour planifier les projets et les réaliser tel que planifiés.

Assurance de la qualité (AQ) et contrôle de la qualité (CQ)
L’assurance de la qualité (AQ) consiste à s’assurer que les systèmes, les processus et les outils de gestion de la qualité sont en place et sont utilisés comme prévu. L’AQ est menée en grande partie par des audits qui portent sur la planification de la qualité et les procédures de contrôle de la qualité. À titre d’exemple, le bureau valide-t-il les exigences du client pour chaque projet et s’assure-t-il d’obtenir l’approbation du client à cet égard? Le bureau procède-t-il à un examen de coordination de tous les documents lorsqu’ils sont achevés à 95 %? Les résultats d’un audit de l’AQ sont une démonstration claire des normes de diligence auxquelles la firme se conforme.

Le contrôle de la qualité (CQ) consiste à s’assurer que le résultat de chaque opération, qu’il s’agisse de la conception, de la production ou de l’administration du contrat, satisfait aux exigences auxquelles le livrable est destiné. Pour bien des clients, le CQ est synonyme de coordination des documents.

Voir le chapitre 5.4 – Gestion de la qualité pour de l’information additionnelle sur les divers systèmes de gestion de la qualité.

Listes de contrôle
Une procédure détaillée de vérification des dessins est un des outils les plus efficaces de la gestion des risques. Malheureusement, en raison de ressources insuffisantes ou d’échéanciers mal établis ou peu réalistes, cette vérification est souvent faite de façon précipitée, quand elle n’est pas escamotée. Elle constitue pourtant le moyen le plus efficace d’atténuer le risque de produire des documents de construction incomplets, imparfaits et mal coordonnés. Bien des firmes ont créé des listes de contrôle exhaustives à l’aide desquelles elles s’assurent que les nombreux éléments à inclure dans un jeu de dessins sont inclus.

La vérification doit se faire de façon disciplinée et en respectant rigoureusement le processus établi. On ne se trompe pas si on applique dans tous les cas la règle suivante : ne jamais apposer de sceau sur les plans et devis tant que le processus de vérification n’est pas terminé.

Pour de l’information additionnelle sur les listes de contrôle, voir le chapitre 5.4 – Gestion de la qualité, le chapitre 5.1 – Gestion du projet de conception et le chapitre 6.4 – Documents du projet définitif.

La vérification des dessins ou devis devrait être confiée à un employé qui n’a pas participé à leur production. Une fois les documents assemblés aux fins de la vérification, songer à utiliser un code de couleurs pour cocher les vérifications effectuées, selon le processus suivant :

  • Étape 1 : Sur une « copie de vérification », réviser toutes les cotes et toutes les notes. Couvrir d’un trait jaune tout ce qui est exact. Encercler les erreurs d’un trait rouge, et indiquer à proximité les corrections à apporter.
  • Étape 2 : Reporter les corrections sur les originaux, puis, d’un trait vert, repasser sur les cercles en rouge pour indiquer que les corrections sont faites. Une fois les corrections terminées, reprendre les originaux et vérifier de nouveau si toutes les corrections en rouge ont été faites.
  • Étape 3 : Au cours de cette vérification, barrer tous les traits verts d’un gros trait noir. La vérification n’est complète que lorsque toutes les notes et toutes les cotes sont marquées soit en jaune, soit en rouge-vert-noir.

Pour la vérification des documents électroniques, il existe plusieurs logiciels qui ont chacun leurs outils de vérification. Un logiciel comme Bluebeam est conçu pour assurer la coordination des documents de construction tout en facilitant la coordination des activités de construction et d’administration du contrat de construction.

Le processus se termine avec l’apposition, par le vérificateur, de sa signature sur chaque dessin. L’ensemble peut alors être considéré comme complet, prêt à recevoir le sceau et la signature du patron responsable du projet.

Une vérification de cette ampleur demande beaucoup de temps. Elle est toutefois essentielle, car elle permet d’éviter que des problèmes ne surgissent plus tard, à un stade où ils seraient beaucoup plus coûteux à résoudre. Tous les architectes devraient prévoir le temps et les honoraires appropriés pour cet aspect de la gestion des risques et de la qualité.

Il convient également de souligner que certains contrats préparés par des clients exigent que l’architecte ait des processus d’AQ et de CQ en place et en démontre l’utilisation et l’efficacité. Le cas échéant, cette clause doit être examinée attentivement, car elle peut élever la norme de diligence autrement requise.


Sources des risques du projet : appel d’offres et attribution du contrat

Il y a beaucoup de jurisprudence au Canada sur les procédures d’appel d’offres. Les architectes devraient se familiariser avec les principes juridiques de base, particulièrement le concept canadien unique du droit des appels d’offres : le contrat A, le contrat de l’appel d’offres et le contrat B, le contrat de construction. Pour un examen approfondi de la question, voir le livre de Paul Sandori et William Piggott intitulé Bidding and Tendering: What Is the Law? 5th Edition.

On peut réduire les risques de poursuites de la part des soumissionnaires non retenus en établissant, au départ, de façon claire et précise, les critères qui serviront à déterminer quel entrepreneur sera choisi, et en s’en tenant à ces critères. L’architecte devrait aussi utiliser les documents d’appels d’offres normalisés et se familiariser avec le document CCDC 23, Guide des appels d’offres et de l’attribution des contrats de construction.

Toute clause de privilège stipulant, par exemple, que « le client ne s’engage à accepter ni la plus basse ni aucune autre des soumissions » devrait être examinée à la lumière de l’article 2.0, Principes de la loi sur les appels d’offres du document CCDC 23, Guide des appels d’offres et de l’attribution des contrats de construction.

La décision d’octroyer le contrat à un autre entrepreneur que le plus bas soumissionnaire peut engendrer une poursuite judiciaire. Pour réduire ce risque, l’architecte devrait suggérer à son client d’obtenir un avis juridique avant de prendre une décision dans ce sens. L’architecte n’est pas couvert par sa police d’assurance responsabilité professionnelle s’il fournit des conseils de nature juridique.


Sources des risques du projet : administration du contrat

La phase de l’administration du contrat est une phase cruciale de la réalisation d’un projet. Voir le chapitre 6.6 – Administration du contrat pour un supplément d’information à ce sujet.

Cette phase est sujette à de nombreux risques qui exposent l’architecte à des réclamations potentielles. La ou les personnes affectées au rôle d’administrateur du contrat doivent bien connaître les caractéristiques du projet. Il est fréquent qu’une firme confie cette tâche à une personne peu expérimentée qui ne possède pas les compétences requises et c’est souvent parce que les honoraires sont insuffisants pour confier cette tâche à une personne plus expérimentée dont le salaire est plus élevé.

L’architecte peut réduire ces risques en adoptant des processus, des formulaires et des politiques standards et en les respectant strictement. Il a intérêt, par exemple, à :

  • établir des procédures pour la réunion préparatoire aux travaux;
  • se constituer une trousse de visite de chantier;
  • se doter d’un équipement de sécurité adéquat;
  • établir une liste de vérification pour les visites de chantier;
  • adopter un formulaire modèle de rapport de visite de chantier;
  • adopter une structure préétablie pour les notes de réunion de chantier;
  • répondre rapidement aux demandes de l’entrepreneur, pour éviter les retards;
  • procéder sans délai à l’examen des dessins d’atelier, des échantillons et des maquettes grandeur nature;
  • reconnaître et comprendre le rôle de chacun des participants :
    • se garder d’assumer des rôles qui ne sont pas les siens ou de régler des problèmes qui ne sont pas de son ressort, pour éviter que l’entrepreneur ne l’en rende effectivement responsable;
    • se garder de donner des conseils à l’entrepreneur sur les moyens et les méthodes de construction;   
  • évaluer adéquatement les demandes de paiement de l’entrepreneur (un architecte d’expérience peut, au chantier même, commenter à l’entrepreneur ses ébauches de demande de paiement);
  • faire montre de prudence lors de l’émission du certificat de paiement :
    • une fois émis, ces documents ne peuvent généralement pas être annulés et ils amorcent le processus de libération de la retenue;
  • faire montre d’impartialité à l’égard du client et de l’entrepreneur;
  • documenter toutes les communications, conclusions et observations, en partie pour fournir des moyens de défense en cas de poursuite.

Substitutions

L’architecte doit établir des procédures relatives aux substitutions et il doit les suivre, car les substitutions sont une source potentielle de réclamation contre les architectes. L’architecte doit exercer une diligence raisonnable lorsqu’il examine les demandes de substitution et il doit les documenter soigneusement.   

Dans nombre de projets de construction, l’entrepreneur présente des demandes de prolongation des délais, de modifications à l’ouvrage ou de montants additionnels. On pourrait s’attendre à ce que les demandes de ce genre se règlent entre le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur, selon les modalités de leur contrat, mais il n’est pas rare que l’architecte et les autres professionnels deviennent parties à ces différends. Les entrepreneurs prétendront souvent :

  • que les documents d’appel d’offres ne sont pas suffisamment détaillés pour permettre la soumission d’un prix adéquat;
  • que les devis sont ambigus;
  • qu’il y a des conflits entre les documents des diverses disciplines et que ces conflits n’étaient pas apparents pour l’entrepreneur;
  • que l’examen des dessins d’atelier est long ou inapproprié;
  • que l’architecte tarde à répondre aux demandes de renseignements;
  • que le professionnel manque d’impartialité.

Par ailleurs, le client peut lui aussi avoir des revendications et chercher à rendre l’architecte et les autres professionnels responsables d’une augmentation des coûts de construction en raison « d’erreurs et d’omissions » dans la conception.

Les personnes chargées de l’administration du contrat doivent être bien au fait des modalités du contrat qui définissent les attentes des parties sur les plans des délais de réponse et de toutes les restrictions dans la portée des travaux. De plus, elles doivent être conscientes des obligations du professionnel qui sont incluses dans le contrat de construction. Le maître de l’ouvrage conclura bien souvent un contrat normalisé du CCDC avec l’entrepreneur, mais ce contrat peut comporter des conditions supplémentaires qui constituent une modification au rôle et aux responsabilités de l’architecte et des ingénieurs.

Il arrive que des contrats préparés par des clients comprennent des descriptions inappropriées des obligations de l’administration de contrat qui imposent une surveillance d’un niveau plus élevé que la norme. L’utilisation des mots « inspection » et « supervision » en est un exemple. Une obligation de « garantie contre tout défaut » ou une exigence de « conformité complète » sont d’autres exemples. Cette terminologie doit être supprimée des contrats. À défaut de ce faire, les mots ou expressions de ce type doivent être définis de manière à décrire clairement le rôle de l’administrateur du contrat de construction, ainsi que ses limites.

L’architecte et les responsables de l’administration du contrat doivent également comprendre les nuances incluses dans la législation sur les privilèges de la province ou du territoire où le projet est réalisé. Au moins une province (l’Ontario) a récemment modifié sa Loi sur la construction pour y introduire des principes de paiement rapide et d’arbitrage intérimaire. On croit que ces modifications auront des incidences importantes sur le rôle de l’architecte dans un projet de construction. Il reste à voir si d’autres provinces adopteront éventuellement des modifications semblables.

Les documents contractuels du CCDC confèrent diverses obligations au professionnel (généralement l’architecte) : 

  • examiner les demandes de paiement;
  • interpréter les documents contractuels;
  • examiner les demandes de modifications au prix du contrat;
  • exercer le pouvoir de rejeter l’ouvrage;
  • examiner les dessins d’atelier;
  • préparer les avenants de modification;
  • déterminer la date de l’achèvement substantiel;
  • examiner les demandes de prolongation des délais;
  • fournir une opinion au maître de l’ouvrage sur le défaut de l’entrepreneur d’exécuter correctement l’ouvrage, en appui à un avis de défaut potentiellement transmis à l’entrepreneur par le maître de l’ouvrage.

Les responsables de l’administration du contrat de construction doivent être conscients de ces responsabilités et de celles qui peuvent être imposées par des conditions supplémentaires. L’architecte doit exercer ce rôle de manière impartiale et il doit être sensible à quelque influence indue lorsqu’il remplit ces obligations.


Sources des risques du projet : après-construction

La plupart des contrats client-architecte situent la fin du contrat un an après la date de l’achèvement substantiel. L’architecte doit garder le contact avec le client et, si des éléments garantis se révèlent déficients, en informer promptement l’entrepreneur. Un peu avant l’expiration de la période de garantie, il y a lieu de procéder à une visite finale du bâtiment et de dresser à l’intention de l’entrepreneur une liste des éléments garantis qui requièrent correction. L’architecte prudent note dans son agenda la date critique, de façon à ne pas oublier de procéder à cette visite avant l’expiration de la période de garantie. Voir aussi le chapitre 6.7 – Procédures de réception, mise en service et évaluations post-occupation.

Certains clients peuvent insister pour que l’architecte remplisse divers formulaires et attestations à la fin d’un projet. Ces demandes vont au-delà de ce que peuvent exiger les autorités locales, provinciales ou territoriales et fédérales. Le libellé de ces documents a parfois une portée excessive, d’où l’importance de les examiner attentivement avant de les remplir. Les architectes devraient probablement consulter leur avocat, leur assureur ou leur ordre professionnel avant de signer ces documents, car ils pourraient leur imposer une responsabilité déraisonnable qu’ils ne veulent pas assumer.


Autres sources de risques

Remplacer un autre architecte ou être remplacé par un autre architecte

Il peut arriver qu’un architecte soit appelé à en remplacer un autre pendant la réalisation d’un projet. Cette situation est inhabituelle et constitue généralement un signal d’alarme qui exige une enquête et une diligence raisonnable de la part de l’architecte remplaçant ainsi que de l’architecte remplacé.

L’architecte invité à remplacer un autre architecte doit insister pour pouvoir communiquer avec la firme d’architecture originale. Le client et l’architecte remplacé peuvent avoir des raisons légitimes pour mettre fin à leur relation. L’architecte remplaçant doit absolument faire preuve de diligence raisonnable. Il doit également utiliser un libellé approprié dans son contrat avec le client, pour s’assurer qu’il n’assume aucune responsabilité pour les services rendus par l’architecte précédent. Il y a des questions juridiques à régler par rapport aux droits d’auteur et des exigences de l’ordre d’architectes à respecter. On recommande à l’architecte de faire appel à un conseiller juridique pour l’aider à préparer un contrat approprié qui tient compte de la situation. L’architecte peut également solliciter la collaboration de son assureur de la responsabilité professionnelle à cet égard.

La firme remplacée devra également prendre les mesures appropriées et notamment aviser les autorités compétentes du remplacement. Elle devra également déterminer les montants qui lui sont dus pour le travail effectué et, dans l’éventualité où elle n’est pas payée en totalité, examiner les exigences des droits d’enregistrement de privilèges ou les procédures de recouvrement.


Archives

Quelle que soit la phase du projet en cours, il est essentiel de maintenir des dossiers complets et en ordre. Bien souvent, les litiges surviennent plusieurs années après l’achèvement du projet et les personnes qui y ont participé ont pris leur retraite ou ont quitté la firme. Les dossiers écrits constituent alors la seule source d’information sur le projet. On ne peut surestimer l’importance de la création et de la conservation des documents. Voir l’Annexe A – Tenue des dossiers, à la fin du présent chapitre.


Délais de prescription

Selon la législation provinciale ou territoriale en matière de prescription ou la réglementation relative aux archives d’un architecte, la firme devra stocker une grande quantité de documents, de dossiers et de dessins qu’elle aura accumulés au fil du temps. Des dossiers clairs et complets peuvent avoir une valeur inestimable en cas de poursuite. Comme un grand laps de temps peut s’écouler entre le moment où les dossiers sont classés et le moment où l’on doit s’en servir, il est important de se munir d’un système efficace d’archivage permettant de retrouver facilement la documentation recherchée et de la comprendre.

« Pendant combien de temps? » et « Quel type de documents doit-on conserver? ». Voilà deux questions auxquelles il est difficile de répondre pour les architectes. Il convient de demander conseil à un avocat et à l’assureur de la responsabilité professionnelle. Voir aussi le chapitre 3.5 – Administration du bureau.

Enfin, tous les membres de la firme doivent comprendre que toutes les communications écrites (internes ou avec d’autres) sont susceptibles d’être produites dans une procédure judiciaire ultérieure. Par conséquent, toute communication doit être professionnelle. Les communications informelles et inappropriées doivent être évitées, y compris les communications par le biais des médias sociaux. Toutes les firmes doivent mettre en place une politique qui traite de ces questions.


Recouvrement des honoraires

L’un des risques auxquels un architecte est exposé est celui d’un client qui, pour quelque raison que ce soit, ne respecte pas son obligation contractuelle de payer les factures dans les délais.

Les mesures suivantes permettent de réduire le risque de paiement tardif ou de non-paiement des factures :

  • Demander une avance de 5 % à 10 % du montant total dès la conclusion du contrat.
  • Aviser le client que l’avance lui sera créditée sur le montant final de la facture.
    • Le versement d’une avance est spécialement important lorsque le client est inconnu de l’architecte ou qu’il a la réputation d’être un mauvais payeur.
  • Discuter des modalités du contrat avec le client et veiller à ce qu’elles comprennent le droit de cesser la prestation de services en cas de non-paiement des honoraires.
  • Facturer ses honoraires deux fois par mois, toutes les deux semaines ou même toutes les semaines, s’il y a lieu.
    • La facturation est habituellement mensuelle, mais rien n’oblige l’architecte à suivre cette pratique. Une facturation fréquente, en plus d’augmenter le fonds de roulement, permet de cerner les mauvais payeurs. Les modalités de paiement et la fréquence des factures peuvent être déterminées dans le contrat avec le client.
  • Facturer des intérêts sur les comptes en souffrance.
    • Comme une firme d’architecture n’est pas une institution financière, le taux d’intérêt ne doit pas être plus intéressant que celui de l’institution prêteuse. Même si l’architecte n’a pas l’intention de les ajouter à sa facture, il y a lieu de le prévoir dans le contrat et leur impact sur les comptes en souffrance doit être démontré dans un relevé de compte.
  • Faire des factures distinctes pour les honoraires pour services professionnels et les dépenses remboursables.
    • Cela peut réduire le risque de voir le client contester la note d’honoraires pour un ou deux petits détails.
  • Dans le cas de certains clients, faire un suivi téléphonique après un délai raisonnable, et s’informer si le paiement sera effectué avant la date d’échéance convenue.
    • Ne pas attendre que le paiement soit en retard pour faire ce suivi. Faire des rappels systématiques environ une fois par semaine. Cette relance doit être courtoise, mais ferme; après deux appels, demander à rencontrer le client.
    • Trois semaines après les téléphones et les rencontres, écrire au client en lui décrivant les tentatives faites pour obtenir un paiement. La lettre devrait faire mention du fait que le client n’a jamais manifesté de désaccord au sujet de la facture, signaler la clause du contrat qui prévoit la suspension du travail en cas de non-paiement et exprimer le souci de ne pas avoir recours à cette mesure, qui pourrait sérieusement affecter la réussite du projet.
    • Si le client accepte verbalement des modalités de paiement quelconques, le consigner par écrit.
    • Être conscient de la législation provinciale ou territoriale en matière de privilèges, particulièrement en ce qui a trait à la prescription en cas d’exercice d’un privilège par l’entrepreneur général ou par un sous-traitant. S’assurer d’intenter l’action dans le délai légal. Au besoin, consulter un conseiller juridique, car les lois sur les privilèges varient selon les provinces et territoires.   
  • Les architectes doivent également connaître le délai de prescription en vigueur dans leur province ou territoire pour entreprendre des mesures judiciaires visant à recouvrer les honoraires impayés.

Le non-paiement et les retards de paiement sont généralement un signal d’alarme : soit le client a des problèmes financiers, SOIT il n’est pas satisfait des services d’architecture pour une raison quelconque. Plus l’architecte le réalise rapidement, plus il est facile de gérer la question.


Cesser le travail

  • Revoir le contrat avec le client lorsqu’il est question de cesser le travail.
  • Si le contrat prévoit la cessation du travail, aviser le client que le non-paiement ou le paiement tardif de ses honoraires est une question sérieuse et qu’il y aura cessation du travail si le paiement n’est pas reçu. Les architectes devraient consulter leur conseiller juridique avant de prendre une telle mesure.
  • Cesser le travail si nécessaire – le fait de ne pas donner suite à un avis minera toute crédibilité si le client tarde à nouveau à payer les honoraires.
  • Considérer l’une ou plusieurs des mesures suivantes :
    • envoi d’une lettre d’avocat au client;
    • enregistrement d’un privilège (voir aussi le chapitre 6.7 – Procédures de réception, mise en service et évaluations post-occupation);
    • recherche d’un règlement en ayant recours à la médiation;
    • recherche d’une décision en ayant recours à l’arbitrage;
    • recours à une agence de recouvrement (de bonne réputation);
    • poursuite judiciaire.

La dernière solution à la suspension des services peut être de résilier le contrat et de mettre fin à la relation. Si c’est la solution retenue, elle doit être dûment documentée et conforme aux clauses de résiliation du contrat. Les architectes doivent envisager de faire appel à un conseiller juridique pour les aider dans ce processus. De plus, ils doivent prendre les mesures suivantes :

  • Aviser les autorités compétentes de la décision de suspendre les services jusqu’à la réception du paiement ou de résilier le contrat. Ces autorités se fient à l’architecte pour procéder à un examen général du projet et dans certaines provinces, pour obtenir des « lettres d’assurance » à l’achèvement d’un projet.
  • Se préparer à une demande reconventionnelle de la part du client, peu importe la voie choisie (médiation, arbitrage, privilège, action en justice). Le client pourrait invoquer toutes sortes de manquements de l’architecte à ses obligations, comme la négligence ou la mauvaise qualité des services. Il serait sage que l’architecte en informe son assureur de la responsabilité professionnelle.
  • Ne pas faire de fausses menaces : si on a annoncé son intention d’intenter une action en justice pour non-paiement après une certaine date, être prêt à l’intenter rapidement.
  • Prendre note de toutes les communications relatives à l’obtention du paiement, y compris toutes les tentatives faites pour obtenir paiement (conversations, appels téléphoniques, messages par télécopieur ou courrier électronique, lettres, etc.). Ces éléments pourront se révéler importants lors des audiences.

Projets à l’extérieur

Les architectes appelés à travailler à l’extérieur de la ville ou de la province où ils sont établis doivent bien s’informer des différences relatives aux pratiques courantes dans l’industrie de la construction ou à la prestation de services professionnels. Plus on s’éloigne de chez soi, plus grandes sont les différences. En voici quelques-unes qu’il convient de surveiller particulièrement :

Dans d’autres villes de la même province :

  • les différences dans les règlements de zonage;
  • les différences dans l’interprétation du code du bâtiment;
  • les différences dans les processus d’obtention du permis de construire;
  • les coutumes et les lois locales.

Dans d’autres provinces du Canada :

  • les lois différentes (comme la loi sur les privilèges);
  • les exigences de délivrance de permis et les politiques provinciales et territoriales relatives à la recherche de contrat ou à la détention d’un permis;
  • un système législatif différent (code civil par rapport à common law);
  • les coutumes locales;
  • les règlements municipaux.

À l’extérieur du Canada :

  • Des lois différentes :
    • le droit de l’architecte à fournir des services;
    • le droit de se présenter comme architecte;
    • les lois concernant la responsabilité civile;
    • les lois fiscales susceptibles d’affecter la rentabilité;
    • les lois touchant les voyages, les visas, la liberté de se déplacer;
    • les accords et traités internationaux;
    • les codes du bâtiment applicables;
    • les différences dans les délais de prescription qui auront des incidences sur la conservation des dossiers de la firme;
    • les exigences en matière d’assurance qui peuvent différer :   
      • il est possible que certains pays n’acceptent pas les polices d’assurance émises à l’architecte au Canada;
      • certains assureurs ne couvrent pas les services fournis dans certains pays. Ces questions doivent être portées à l’attention de l’assureur et du courtier d’assurance avant d’accepter le mandat. Il faudra peut-être souscrire des polices spéciales ou ajouter des avenants aux polices existantes.
  • Des coutumes différentes :
    • des différences culturelles;
    • la langue des contrats;
    • des paiements à verser à des « intermédiaires » pour avoir le privilège de travailler dans le pays;
    • les alliances politiques (pays alliés, pays neutres, pays ennemis);
    • les pratiques commerciales locales.
  • Des questions de nature politique :
    • un potentiel de violence ou de troubles civils;
    • des sanctions par le gouvernement du Canada;
    • les lois anticorruption au Canada et dans le pays étranger.
  • Le libellé des contrats :
    • des modèles internationaux standards, tel le modèle de la Fédération internationale des ingénieurs-conseils (FIDIC);
    • des clauses non assurables, comme des garanties, des normes de performance, des indemnisations supérieures à celles qui sont d’usage au Canada (ne sont pas assurables, par exemple, les désastres majeurs ou les règlements de poursuites importantes intervenant plusieurs années après l’achèvement du contrat);
    • l’acceptation des lois du pays étranger pour le règlement des différends;
    • des clauses inhabituelles (par exemple : « en cas de divergence dans les documents, celui qui est le plus favorable au client prévaut »);
  • Les paiements :
    • veiller à ce que les conditions de paiement soient très claires;
    • si les paiements sont faits en monnaie étrangère, surveiller les fluctuations des taux de change;
    • s’entendre sur les transferts de fonds (certains pays interdisent la sortie de capitaux);
    • être conscient que dans certains pays les honoraires peuvent être retenus en garantie de performance ou doivent être garantis par lettres de crédit;
  • D’autres différences :
    • en raison des fuseaux horaires, il peut arriver que les deux bureaux ne soient jamais ouverts normalement aux mêmes heures;
    • les communications sont plus coûteuses;
    • beaucoup de clients veulent traiter avec une firme qui a une présence locale forte, ce qui peut rendre nécessaire une alliance avec une firme d’architectes du pays ou l’ouverture d’un bureau dans le pays; dans les deux cas, l’architecte doit s’assurer d’être en règle tant avec son ordre d’architectes qu’avec celui du pays étranger, de même qu’avec son assureur en responsabilité professionnelle.

Différends et règlement des différends

Un projet de construction est une entreprise complexe à laquelle participent de nombreuses entités différentes, chacune ayant un rôle unique à jouer. Les maîtres d’ouvrage, les entrepreneurs, les fournisseurs et les professionnels de la conception ont des intérêts et des motivations distincts avant, pendant et après la réalisation d’un projet. Les différends et les conflits sont presque inévitables. Par conséquent, une partie importante de la stratégie de gestion des risques d’un architecte concerne le traitement des différends.

Cette stratégie devrait être interne à la firme (procédures pour signaler et partager les problèmes avec les autres membres de la firme) et tenir compte des influences extérieures dans les documents contractuels. Elle devrait aussi comprendre des procédures pour signaler les litiges à l’assureur de la responsabilité professionnelle.

L’architecte doit également être conscient des exigences de sa police d’assurance de ne pas admettre sa responsabilité et de ne pas verser volontairement de paiement aux requérants sans en informer l’assureur et obtenir son consentement.

TABLEAU 1 Étapes de la résolution d’un différend. Reproduit avec l’autorisation de DPIC - Security Insurance Company of Hartford.


Règlement extrajudiciaire des différends

Lorsqu’un différend survient, l’architecte peut être appelé par le client, ou peut-être par d’autres, à participer à une forme extrajudiciaire de règlement de conflit, comme la médiation et l’arbitrage. Cette option relève d’une stratégie qui permet d’éviter des frais judiciaires, toujours élevés, et des délais, toujours très longs. On peut y avoir recours lorsque la négociation à l’amiable a échoué et qu’aucune entente n’est possible. Avant d’accepter de participer à ce processus, l’architecte doit toujours en discuter avec son conseiller juridique ou son assureur qui pourraient juger à propos de le représenter dans ces circonstances.

Bien souvent, le contrat conclu avec le client comporte des dispositions sur le règlement des différends. Le Document Six de l’IRAC oblige les parties à mener des négociations à l’amiable, suivies d’une médiation ou d’un arbitrage selon les modalités du document CCDC 40 –Règles de médiation et d’arbitrage pour les différends relatifs aux contrats de construction.

Les clauses du contrat client-architecte relativement au règlement des différends doivent également être incluses dans les contrats architecte-ingénieur-conseil de manière à ce que toutes les parties soient liées par les mêmes procédures de règlement des différends.

L’idéal serait de réussir à éviter tout conflit. Un contrat clair, concis et équitable en réduit les risques, sans toutefois les éliminer totalement. Il est par ailleurs tout aussi important de maintenir de bonnes communications régulières avec tous les membres de l’équipe de projet.

Le Tableau 1 représente le déroulement d’un processus de règlement de conflit. Les modes de règlement sont classés dans l’ordre croissant des niveaux d’hostilité et de coût.


Partenariat

Mis de l’avant comme méthode permettant d’éviter les conflits, le partenariat vise à régler ceux-ci au fur et à mesure qu’ils se présentent, de façon à respecter les objectifs collectifs fixés à l’avance plutôt que de tenter de jeter le blâme sur quelqu’un en particulier. Le partenariat est un concept en vertu duquel le maître de l’ouvrage, l’architecte, les ingénieurs, l’entrepreneur et les sous-traitants se considèrent comme une équipe, chacun méritant la confiance, le respect et la compréhension des autres relativement à ses attentes et à ses objectifs dans la réalisation du projet de construction. Ce concept de partenariat se concrétise à travers des séances de travail de groupe et des rencontres avec facilitateur. Le partenariat nécessite habituellement que l’on consacre quelques jours à des rencontres qui aboutiront à la rédaction d’une « charte » faisant foi de l’accord des partenaires sur leurs objectifs communs dans le cadre du projet.

Comme dans toute relation contractuelle, il faut que « le courant passe » entre les participants, et le partenariat peut favoriser ce résultat; il ne peut jamais le remplacer.


Négociation

Lorsqu’un différend se produit, les parties peuvent vouloir tenter de le résoudre par voie de négociation. Les négociations qui prennent pour objet l’interprétation stricte des modalités du contrat sont généralement moins fructueuses que celles qui se concentrent sur les objectifs du contrat et les intérêts mutuels des parties.


Médiation

Lorsque les parties s’entendent pour soumettre leur différend à la médiation, on demande à un tiers étranger au conflit de jouer le rôle de médiateur. Le médiateur est en quelque sorte un « facilitateur » qui assiste les parties au cours de la négociation afin de les aider à résoudre leur conflit. Ce médiateur :

  • n’impose pas de solution;
  • ne rend pas de décision;
  • n’agit pas comme un expert exprimant une opinion.

La médiation est menée sur une base confidentielle, et toutes les discussions et le ou les accords de règlement final restent également confidentiels pour les parties. Tout ce qui est divulgué au cours de ce processus ne peut être utilisé plus tard dans le cadre de procédures judiciaires ultérieures ou en cours. La médiation permet de trouver des solutions créatives que n’offre pas la procédure judiciaire traditionnelle. Dans de nombreux cas, elle permet également de préserver les relations entre les parties.

Il n’est pas nécessaire que le médiateur ait une expertise particulière dans la matière en cause, mais bien souvent, une telle expertise est justifiée. On compte des médiateurs qui ont une grande expérience des litiges dans le domaine de la construction dans toutes les grandes villes du Canada. Généralement, les frais de la médiation sont divisés à parts égales entre toutes les parties en cause.

Dans plusieurs provinces et territoires du Canada, la médiation est obligatoire, conformément aux règles de procédure. Elle s’est avérée une méthode efficace pour résoudre les litiges, et qui plus est, à moindre coût et dans des délais plus courts.

Le cas échéant, l’accord auquel les parties sont parvenues doit être consigné par des documents écrits, préparés de préférence par un avocat, dans l’objectif de libérer les parties de telle ou telle obligation ou d’éliminer la possibilité d’une poursuite.


Arbitrage

Dans le cadre d’un arbitrage, deux ou plusieurs parties soumettent un litige à un arbitre ou à un groupe d’arbitrage indépendant et impartial, choisi d’un commun accord par les parties en litige. L’arbitre rend une décision finale et contraignante de manière quasi judiciaire. Ce processus est beaucoup plus formel que la médiation. Certains contrats rédigés par des clients prévoient l’arbitrage obligatoire et contraignant. Dans la mesure où il est possible de modifier ces contrats, il est recommandé de stipuler que les deux parties doivent donner leur accord à cette fin.

L’expérience et les qualifications requises pour agir comme arbitre sont semblables à celles que l’on exige d’un juge; en fait, de nombreux arbitres sont des juges à la retraite.

L’arbitre doit connaître :

  • les procédures statutaires applicables à la tenue d’une audience;
  • la législation pertinente relative à l’arbitrage et aux procédures judiciaires.

L’expertise spécifique n’est pas toujours requise, tout dépend de la nature et de l’ampleur du litige.

Les parties en cause doivent payer l’arbitre ou le groupe d’arbitrage, ainsi que les locaux et autres frais. La procédure d’arbitrage peut être longue et coûteuse.

L’arbitrage a des incidences sur le plan juridique et en matière d’assurance responsabilité professionnelle, que l’on y participe en tant que témoin ou en tant que partie; c’est pourquoi il faut toujours obtenir des conseils de son avocat et de son assureur avant d’accepter de participer à un arbitrage. La plupart des assureurs de responsabilité professionnelle pour les architectes préfèrent éviter l’arbitrage obligatoire et contraignant.


Assurance responsabilité professionnelle

L’un des moyens d’atténuer les risques est de se munir d’une assurance responsabilité professionnelle. Celle-ci est d’ailleurs obligatoire dans nombre de provinces et territoires. Voir à ce sujet le chapitre 1.6 – L’organisation de la profession au Canada.

On attend de l’architecte qu’il fournisse ses services conformément aux normes de sa profession et aux règles de son art. Cela signifie qu’il doit constamment faire montre de prudence et de diligence, comme le ferait un architecte raisonnablement compétent dans les mêmes circonstances et au même endroit. Un architecte qui ne respecterait pas ces exigences pourrait être taxé de négligence professionnelle, voire de faute professionnelle. Comme on l’a déjà mentionné dans ce chapitre, l’architecte ne doit pas accepter qu’un client lui impose une norme de diligence élevée dans un contrat.

Un architecte tenu responsable d’erreur ou d’omission ou coupable de négligence peut être tenu personnellement responsable des dommages causés. L’assurance responsabilité professionnelle fournit une protection contre les poursuites de ce genre et vise à couvrir le coût des réclamations.

Les polices d’assurance responsabilité ne fournissent pas une protection totale; au contraire, elles comportent des clauses d’exclusion, qui, comme leur nom l’indique, soustraient certaines activités particulières ou certains engagements contractuels qui vont au-delà de la norme de négligence à la protection de la police.

Les exclusions courantes dans une police type comprennent, sans s’y limiter :

  • les actes frauduleux et malhonnêtes;
  • la responsabilité contractuelle;
  • la responsabilité des produits;
  • les activités de construction effectuées par le professionnel;
  • les garanties expresses.

De plus, la police comporte des limites financières par réclamation et par période visée. Elle peut également comprendre des limites pour certains projets désignés. L’architecte doit lire et comprendre la police et porter attention aux exclusions et aux avenants qui peuvent y être ajoutés, car ils sont susceptibles de changer au fil du temps et doivent être revus de façon régulière. Tous les membres de la firme doivent être conscients des garanties et des restrictions, en particulier les membres qui concluent des contrats au nom de la firme.

Les primes d’assurance sont généralement proportionnelles au volume et au type de travail de la firme, ainsi qu’à son historique de réclamation. Il peut être nécessaire ou prudent de souscrire une couverture excédentaire au-delà du niveau de protection de base requis par les règlements ou la législation d’une province ou d’un territoire. Certains clients peuvent exiger un certain niveau d’assurance qui dépasse les limites de la police de la firme. Il convient d’examiner cette question et de modifier la police en conséquence. La couverture d’assurance excédentaire pour un projet spécifique est généralement une dépense remboursable, mais le paiement de l’assurance excédentaire doit être clarifié dans la proposition ou dans les documents contractuels.

La police d’assurance responsabilité professionnelle comporte normalement une franchise, dont le montant dépend de la taille de l’entreprise, de son profil de risque et de ses préférences. Bien souvent, la franchise s’appliquera aux frais juridiques et autres dépenses liées aux réclamations.

La limite de la police peut inclure les frais et dépenses juridiques, ou peut prévoir que ces dépenses s’ajoutent à la limite de la police.

De plus, pour certains projets de grande envergure, le maître de l’ouvrage peut exiger une police de responsabilité professionnelle spécifique au projet qui couvre tous les professionnels de la conception. Dans un tel cas, il est très important d’examiner attentivement et de bien comprendre les modalités de la police. Si plusieurs professionnels sont assurés au titre d’une même police d’assurance, il est recommandé de conclure une entente concernant la responsabilité du paiement de la franchise.

La firme d’architecture qui met fin à ses activités doit veiller à maintenir une couverture d’assurance adéquate. L’architecte serait bien avisé de communiquer avec son ordre d’architectes ou son assureur de la responsabilité professionnelle pour des conseils à cet égard. Ils lui recommanderont peut-être de souscrire une police de type « liquidation de sinistre » pour un certain nombre d’années.

La question de l’assurance devrait également faire partie de toute discussion entre les firmes qui envisagent une fusion, un achat ou une vente de la firme. Plusieurs options sont possibles et doivent être discutées avec des professionnels compétents dans ce domaine, notamment des courtiers d’assurance et des conseillers juridiques.

Les architectes doivent être très attentifs aux exigences en matière d’assurance imposées par leur contrat avec le client, car certaines couvertures ou certains avenants demandés peuvent être impossibles à obtenir ou d’un coût prohibitif.

En voici quelques exemples :

  • l’exigence de faire désigner le client ou d’autres parties comme assurés additionnels dans la police d’assurance responsabilité professionnelle;
  • un montant de franchise maximum;
  • une couverture maintenue pendant un nombre d’années déraisonnable suivant l’achèvement substantiel.

La Formule canadienne normalisée de contrat pour les services de l’architecte : Document Six de l’IRAC comporte une clause, CG 9.1, qui limite la responsabilité de l’architecte envers le client au montant de la limite de garantie prévue qui est disponible au moment de la réclamation ou au montant convenu par les parties.

Une clause de limitation de responsabilité est une clause essentielle qui doit être incluse dans tous les autres contrats non standards entre client et architecte. Le montant de la limite de responsabilité doit être négocié au cas par cas, en fonction de la taille et de la complexité du projet, ainsi que des limites d’assurance dont bénéficie l’architecte. Toutefois, cette clause ne limitera pas l’exposition aux réclamations de tiers; par conséquent, il est toujours conseillé d’avoir une couverture supplémentaire. L’architecte devrait discuter de toutes les questions concernant les limites d’assurance appropriées avec son assureur de la responsabilité professionnelle.

Lorsqu’il se produit un événement susceptible de donner lieu à une poursuite, l’architecte doit en faire part à son assureur de la responsabilité professionnelle, afin de réduire son risque au minimum. Il est important, pour ne pas mettre en péril la protection accordée par la police, d’aviser son assureur dès la première manifestation d’une possibilité de poursuite et de suivre ses instructions. Les polices d’assurance responsabilité professionnelle sont généralement souscrites sur la base de la date des réclamations et de la déclaration, ce qui signifie qu’une réclamation doit être faite et déclarée au cours de la même période d’assurance.

L’architecte doit toujours exiger de ses ingénieurs et autres conseils sous-traitants qu’ils souscrivent une assurance responsabilité professionnelle appropriée au projet. Le montant de leur assurance doit être conforme aux exigences d’assurance prévues par le contrat principal. De plus, l’architecte doit assurer un suivi annuel auprès des ingénieurs et autres conseils sous-traitants et obtenir des certificats à jour. Par excès de prudence, l’architecte peut vouloir inclure une clause dans leur contrat selon laquelle l’ingénieur ou le conseil sous-traitant qui met fin à ses activités accepte de souscrire une police d’assurance erreurs et omissions pour une période déterminée.

Les provinces et territoires ont tous une loi sur la prescription qui leur est propre. Ces lois prévoient généralement un délai dans lequel une demande peut être présentée. Elles précisent le nombre d’années après lequel aucune procédure judiciaire ne peut être engagée à partir d’une date à laquelle le dommage (ou l’acte de négligence) a été découvert ou aurait dû être découvert (le « délai de prescription de base »).

En plus du délai de prescription de base, plusieurs provinces ont un « délai de prescription ultime ». Aucune action en justice ne peut être intentée pour toute réclamation après l’expiration de ce délai.

On a vu des cas où des clients ont inclus dans leurs contrats une clause visant à prolonger les délais de prescription imposés par la loi. Cette clause doit être supprimée.

Au Québec, la responsabilité des architectes est établie sur la base des articles suivants du Code civil :

Article 1457 – Responsabilité générale

Article 1458 – Responsabilité contractuelle

Article 2118 – Responsabilité quinquennale pour perte de l’ouvrage, solidairement avec l’entrepreneur et l’ingénieur, avec possibilité de se dégager

Article 2120 – Responsabilité d’un an pour malfaçons, conjointement avec l’entrepreneur et l’ingénieur.

Voir l’Annexe E – Comparaison des délais de prescription dans les provinces et territoires à la fin de ce chapitre.


Références

ATKINS, James B., et Grant A. Simpson. Managing Project Risk: Best Practices for Architects and Related Professionals, Hoboken, New Jersey, John Wiley and Sons, 2008.

AXA XL Insurance. « BIM projects: Top 10 loss prevention recommendations », 2018. https://axaxl.com/-/media/axaxl/files/pdfs/design-professional/about/bimtop-10-loss-prevention-recommendations_us_ca.pdf, consulté le 2 octobre 2020.

HAYES, R.L. (ed.) The Architect’s Handbook of Professional Practice, 15th Edition, Hoboken, NJ, John Wiley and Sons, 2014.

PROJECT MANAGEMENT INSTITUTE. A Guide to the Project Management Body of Knowledge, 6th Edition. Newtown Square, PA, Project Management Institute, 2017.

SANDORI, P. et W. Piggott. Bidding and Tendering: What is the Law? 5th Edition, Toronto, LexusNexus Canada, 2015.

STONE, David. Mastering the Business of Architecture, Toronto, Ontario Association of Architects, 2004. (Ontario seulement)

STONE, David. Mastering the Business of Design, Impact Initiatives, 1999. (À l’extérieur de l’Ontario)



Annexes