Chapitre 5.1
Gestion d’un projet de conception


Préambule

Il existe beaucoup d’information sur la gestion de projet en général et sur la gestion du projet de conception en particulier. Ce chapitre présente un aperçu des principaux aspects et des outils pertinents pour la gestion d’un projet de conception. Il ne peut toutefois fournir de renseignements détaillés sur les diverses applications ou méthodologies. Chaque firme doit transformer les normes et méthodes de gestion de projet pour développer des compétences de base et se distinguer de la concurrence.


Introduction

La gestion efficace du projet de conception est un élément essentiel de la bonne pratique professionnelle.

Ce chapitre présente les processus généraux de gestion d’un projet de conception, les livrables de ces projets et le rôle de l’architecte du projet (également appelé gestionnaire du projet ou chef de l’équipe du projet) – c’est-à-dire la personne qui, dans un bureau d’architectes, dirige et administre un projet d’architecture.

Ce chapitre ne traite pas :

  • de la gestion de projet en tant que service professionnel distinct ou mode de réalisation d’un projet;
  • de gérance de construction en tant que mode de réalisation d’un projet.

Ces sujets sont plutôt traités au chapitre 4.1 – Modes de réalisation des programmes de conception-construction.

Ce chapitre donne également un aperçu des processus fondamentaux et sélectionne les outils appropriés à la pratique de l’architecture. De nombreux textes, logiciels, documents de références, possibilités de formation et sites Web fournissent des informations détaillées sur les processus, outils et techniques de gestion de projet. Bien des logiciels sur le Web et des logiciels autonomes fournissent des solutions et des outils de gestion de projet accessibles et abordables pour les entreprises, qu’elles soient grandes ou petites. L’architecte doit être conscient que toute solution de gestion de projet doit être adaptée pour soutenir les opérations de sa firme et la proposition de valeur qu’elle offre à ses clients.

Enfin, ce chapitre décrit plus à fond trois aspects de la gestion de projet essentiels à sa réussite : la gestion de la portée du projet, la gestion du calendrier et le rôle du gestionnaire du projet ou de l’architecte du projet. La gestion des parties prenantes du projet est traitée séparément au chapitre 5.2. La gestion des coûts du projet de conception est traitée au chapitre 3.9 – Services d’architecture et honoraires. La gestion des risques est traitée au chapitre 3.8 – Gestion des risques et responsabilité professionnelle. La gestion de l’approvisionnement pour le projet est traitée dans plusieurs chapitres, dont le chapitre 2.2 – Le client, le chapitre 2.3 – Conseils et consultants et le chapitre 4.1 – Modes de réalisation des programmes de conception-construction.


Gestion de projet prédictive et adaptative

L’approche traditionnelle de la gestion d’un projet de conception est basée sur la gestion prédictive du projet. La portée du projet est définie, les coûts sont estimés avec un certain degré de certitude et les dates d’achèvement sont établies. Des jalons sont mis en place et le travail se déroule en séquence, suivant le cycle de vie traditionnel du projet en cinq phases. La gestion prédictive renforce l’adhésion au plan; elle favorise les flux de travail séquentiels et l’approbation du client avant de passer à la phase suivante; et elle permet de limiter les modifications. Si tout se passe comme prévu, les attentes relatives à la portée, à la qualité, au coût et au calendrier sont comblées et les parties prenantes du projet sont satisfaites. La gestion prédictive réduit les risques du projet et augmente la probabilité d’atteindre les objectifs et la rentabilité du projet.

Dans un environnement de gestion prédictive, le changement est l’anathème. Le changement peut provenir de sources multiples. L’avènement de divers modes de réalisation des projets de conception-construction remet en question l’approche traditionnelle de la gestion prédictive des projets. Les propositions de valeur de la conception-construction (CC) et de la gérance de construction (GC) s’appuient toutes deux sur une approche accélérée, ce qui signifie que le travail de conception se poursuit en même temps que la construction. La diversification des modes de financement et d’approvisionnement (FA) et la réalisation de projet intégrée (RPI) augmentent quant à elles le nombre de parties prenantes impliquées dans le projet de conception-construction pendant la conception, augmentant du même coup les risques du projet et la probabilité du changement.

Le changement peut être difficile et stressant à gérer. Les facteurs de risque qui influencent le changement doivent être gérés de manière proactive. Sans une gestion prudente, un changement dans la portée ou la qualité du projet peut mener à une baisse de la rentabilité et de la satisfaction des clients. Ces facteurs de risque peuvent entraîner l’un des plus grands pièges de la gestion de projet, à savoir la reprise des travaux. Cela dit, les architectes doivent fréquemment tenir compte du changement, et le changement est peut-être la norme plutôt que l’exception.

Bien qu’elle soit bien établie, la gestion prédictive des projets n’est pas la seule approche pour gérer le cycle de vie des projets et faire face au changement. Les innovations en matière de gestion de programmes et de projets ont donné naissance à des méthodes axées sur le changement qui intègrent des outils et des techniques permettant de répondre à un besoin de flexibilité tout en obtenant des résultats. Une combinaison de gestion de projet prédictive et adaptative peut aboutir à une méthodologie hybride qui permet à une firme de tirer parti du changement et d’améliorer la satisfaction des parties prenantes.

L’industrie de la conception-construction est disparate. Elle compte de nombreux intervenants, et elle n’a aucune structure de gestion centralisée de la chaîne d’approvisionnement qui coordonne l’ensemble du projet, de la conception à l’exploitation. En fait, la rentabilité d’un entrepreneur est souvent due à sa structure de gestion personnalisée de la chaîne d’approvisionnement et son avantage concurrentiel découle des ententes d’approvisionnement et d’exécution qu’il a négociées. Les intervenants ne peuvent pas tous atteindre la rentabilité découlant de l’innovation dans les façons de faire. C’est pourquoi le changement se fait lentement et l’innovation est difficilement adoptée. L’adoption de la réalisation de projet intégrée (RPI), avec sa structure de partage des risques et de récompense, est susceptible d’accélérer l’innovation dans les processus de conception et de construction, les technologies et les méthodes de gestion.

Il n’y a pas d’approche unique pour la gestion des projets de conception. Chaque firme doit élaborer une méthode qui combine des processus et des outils traditionnels et innovants, adaptables à la variété croissante des approches de passation de marchés de construction. La méthode de gestion de projet d’une firme doit tenir compte de la manière dont elle engage ses différentes parties prenantes et de la proposition de valeur qu’elle présente sur le marché. L’investissement dans l’innovation peut être rentable en renforçant les compétences de base d’une firme, ce qui lui confère un avantage concurrentiel.


Gestion du projet de conception : Différencier le programme de conception-construction du projet de conception

Le terme « projet » peut décrire de multiples entreprises des diverses parties prenantes impliquées dans la réalisation des résultats souhaités. La conception, la construction et l’exploitation d’une installation sont à multiples facettes et supposent généralement les activités suivantes de la part des différents membres de l’équipe de projet :

  • étude de la faisabilité du projet;
  • obtention du financement;
  • élaboration du concept;
  • réalisation et documentation de la conception;
  • obtention des approbations réglementaires;
  • signature des contrats de construction;
  • construction du projet;
  • mise en service du projet;
  • gestion des problèmes qui surviennent pendant la période de garantie;
  • exploitation et entretien du bâtiment après son achèvement;
  • rénovation du bâtiment pour lui donner un nouvel usage ou le démolir et le recycler.

Cependant, tout ce travail est généralement divisé en plusieurs projets clairement définis et séparés. Par exemple, pour le propriétaire d’un bâtiment, le « projet » peut comprendre l’acquisition du terrain, la programmation fonctionnelle, la conception, la construction et la mise en service d’une nouvelle installation. Pour l’architecte et les ingénieurs, le projet est le travail de conception nécessaire dans le cadre de la prestation de services professionnels. Pour l’entrepreneur en construction, le projet est la construction du bâtiment, et ainsi de suite. La conception, la construction et la mise en service sont des projets multiples gérés comme un programme d’initiatives interdépendantes réalisés par différentes organisations ayant des responsabilités définies.

Un architecte peut, délibérément ou par inadvertance, assumer la responsabilité de la gestion du programme de planification/conception/construction du client. Sa compréhension des relations entre les multiples projets individuels est cruciale pour la prestation des services professionnels. Il est essentiel pour la viabilité de la firme de conception de définir l’étendue des produits et des services pour chacun de ces différents projets et de déterminer à qui incombe la responsabilité du travail et des livrables de chaque projet. Ces différences entre les projets individuels, ainsi que les services fondamentaux et spécifiques requis par la réglementation, le code du bâtiment (la communauté), la complexité du projet, les divers clients, entrepreneurs et consultants, et les impératifs climatiques, sont tous soumis à une gestion logique. Sans gestion, il peut y avoir des malentendus sur la portée et les responsabilités des diverses parties prenantes, si elles ne sont pas suffisamment claires. Au pire, ce manque de clarté peut entraîner une perte de confiance envers l’architecte, ce qui l’expose à une perte financière, au risque de perdre des contrats futurs ou à des litiges.

Une firme qui peut offrir des services de gestion de programme en plus de ses services de gestion du projet de conception ajoute de la valeur pour le client. Il faut toutefois que les tâches et les responsabilités soient bien définies pour éviter les lacunes et les chevauchements dans le programme des projets connexes.


Élaboration d’une méthode de gestion de projet de la firme

Les architectes travaillent dans un environnement qui est presque exclusivement basé sur des projets, et la gestion de projet fait partie intégrante de la pratique architecturale. Contrairement aux environnements opérationnels, tels que les usines de fabrication ou les écoles, les projets ont un début et une fin, et créent un résultat unique. Travailler sur des projets est une seconde nature pour les architectes. Cependant, avec la pression de produire les livrables dans le respect des échéanciers, l’investissement de ressources dans la planification et l’organisation des tâches du projet devient parfois moins prioritaire. La création des livrables exige toutefois une planification des tâches et leur exécution par les personnes responsables; le suivi et le contrôle de l’exécution de ces tâches; et le transfert du résultat à la partie prenante ou au membre de l’équipe suivant.

Chaque firme d’architecture doit élaborer une méthode pour gérer le travail en cause dans la prestation de ses divers services de conception. À son plus simple niveau, cette méthode comprend des procédures pour :

  • planifier le travail à accomplir – un plan de travail;
  • confier les tâches aux personnes les plus appropriées, et notamment assurer le perfectionnement professionnel et la formation du personnel;
  • gérer le calendrier et les ressources par le suivi des tâches en cours, des tâches en attente et des tâches accomplies;
  • gérer les coûts du projet de conception;
  • déterminer si les exigences relatives à la qualité et à la portée des travaux sont satisfaites;
  • transférer les livrables de manière ordonnée à l’intervenant suivant dans la chaîne de conception-construction.

De nombreuses organisations nationales et internationales à but non lucratif ont créé des normes de gestion de projet et des programmes de certification génériques et spécifiques à l’industrie. Cependant, une norme de gestion de projet n’est pas une méthodologie, et un agrément en gestion de projet ne garantit pas la performance dans le rôle de gestionnaire de projet. Chaque firme doit développer sa propre méthode de gestion du projet de conception. En analysant la mission, les objectifs et la culture de la firme, ainsi que les besoins du client concernant les rapports sur l’avancement du travail, la firme développe ses propres processus et applique des outils normalisés ou personnalisés à sa gestion du projet de conception. La méthode de gestion de projet d’une firme n’est pas simplement un ensemble de processus à exécuter, mais plutôt une compétence de base qui montre au client l’approche unique de la firme pour répondre à ses besoins tout en se distinguant de ses concurrents.

L’une des approches à la gestion de projet est l’ensemble des connaissances développé par le Project Management Institute, qui comprend des domaines de connaissances, des processus et des outils qui s’appliquent à tout projet, y compris à la conception de bâtiments. L’étude et l’application des méthodes de gestion de projet se sont considérablement développées au cours des deux dernières décennies. La gestion de projet est devenue une discipline distincte. Les éléments fondamentaux de la gestion de projet, à savoir la portée, le calendrier, le coût et la qualité, n’ont pas changé en plus de 70 ans. L’ensemble des connaissances s’est toutefois élargi et les clients ont augmenté leurs attentes quant à la portée des services de gestion de projet liés à la prestation de services de conception. Ces attentes accrues ont entraîné une augmentation du nombre de sociétés de conseil spécialisées dans la prestation de services de gestion de projet. Les fournisseurs de services de gestion de projet (FSGP) peuvent servir de médiateur dans la relation entre le client et l’architecte. L’impact de ce changement dans l’industrie de la conception-construction, en particulier avec les clients du secteur public, a modifié les relations entre le client et l’architecte, et a repositionné la pratique de l’architecture dans la chaîne de valeur de l’industrie de la conception-construction.


Mise en place du projet

Une grande partie du présent Manuel canadien de pratique de l’architecture traite de la création de l’infrastructure qui permet aux architectes, technologues, rédacteurs de devis, designers d’intérieur et administrateurs de contrat de faire leur travail de manière efficace et efficiente. Cette infrastructure comprend les systèmes nécessaires au fonctionnement d’un bureau, comme les systèmes de comptabilité et de paie (chapitre 3.4), les ressources humaines (chapitre 3.6) et les systèmes technologiques (chapitre 3.7). Dans tout le Manuel, les divers chapitres donnent de l’information sur ces systèmes de base d’une entreprise. L’infrastructure comprend également les systèmes qui favorisent la gestion efficace et efficiente des projets. Ce sont notamment la gestion des communications (chapitre 5.3), la gestion de la qualité (chapitre  5.4) et la gestion des flux de travail et des processus (partie 6).

Il peut parfois sembler y avoir une contradiction entre la volonté parfois frénétique de créer des livrables de conception uniques et la régularisation des processus de conception et des systèmes de flux de travail. Toutefois, il est possible de réaliser de grandes choses en gérant le projet selon une approche disciplinée. La mise en place de systèmes structurés, l’utilisation de listes de contrôle, les processus d’examen et d’approbations, ainsi que l’utilisation d’outils de flux de travail, soutiendront l’effort créatif.

La gestion de systèmes de flux de travail structurés devient plus importante avec l’augmentation des activités de conception intégrée. Cela se manifeste dans la mise en œuvre du processus de conception intégrée (PCI), la réalisation de projet intégrée (RPI) (voir le chapitre 5.5) et la modélisation des données du bâtiment (MDB) (voir le chapitre 5.6).

Voir le Manuel de pratique canadien pour la MDB, Volume 2 – Contexte des entreprises, chapitre 7 – Considérations relatives à la réalisation du projet, et le Volume 3 – Contexte du projet, chapitre 4 – Flux de travail pour de l’information additionnelle sur la planification d’un projet dans le contexte de la mise en place des systèmes de MDB au sein de la firme.


Gestion du projet de conception

La gestion efficace d’un projet conception consiste notamment à :

  • identifier les parties prenantes du projet, leur intérêt pour le projet et leur capacité à influencer les résultats du projet, et gérer l’engagement des parties prenantes (chapitre 5.2 – Gestion des parties prenantes);
  • définir la portée du produit (dessins, modèles et devis) et la portée du projet (gestion de l’engagement des parties prenantes, activités de conception, coordination, etc.);
  • élaborer un plan de travail qui peut être réalisé dans un délai réaliste en appliquant un niveau approprié de ressources humaines et financières proportionnel aux honoraires facturés, et qui est validé par les personnes qui effectuent le travail;
  • sélectionner, recruter et gérer les personnes, y compris les employés à l’interne et les consultants externes (chapitre 3.6 – Ressources humaines);
  • élaborer et exécuter un plan de communication qui répond aux besoins d’information et de prise de décision de toutes les parties prenantes du projet (chapitre 5.3 – Gestion des communications);
  • déléguer les tâches de manière appropriée;
  • exercer le suivi et le contrôle des activités du projet en effectuant les interventions de gestion nécessaires pour respecter l’échéancier et les objectifs financiers (plusieurs chapitres);
  • contrôler et gérer le processus de conception en tenant compte des changements de portée du produit et des services de conception.

Rôle de l’architecte de projet/gestionnaire de projet

Avant d’examiner les rôles et les caractéristiques de tous les intervenants du projet, examinons d’abord celui de l’architecte du projet en tant qu’intervenant clé dans la réussite d’un projet de conception. Son rôle est difficile et complexe, car il requiert des connaissances et des compétences en conception architecturale tout comme en gestion de projet. Il est largement admis dans le milieu des gestionnaires de projets qu’un gestionnaire de projet compétent, doté de bonnes aptitudes interpersonnelles et d’une bonne connaissance des processus, doit être capable de gérer, dans les limites du raisonnable, tout type de projet. Toutefois, ce n’est pas aussi largement admis en dehors de ce milieu. Le rôle de l’architecte de projet est complexe, car il englobe le rôle du gestionnaire de projet et celui de l’architecte. L’architecte de projet doit posséder des connaissances et des capacités dans les domaines de la conception, de la technologie du bâtiment, de la production de documents et de l’administration des contrats, ainsi que des compétences interpersonnelles, des qualités de leader, des compétences en gestion et un sens aigu des affaires. La réussite d’un projet de conception dépend d’une personne capable de combiner les forces d’un gestionnaire de projet et celles d’un concepteur – l’architecte de projet.

L’architecte de projet ou gestionnaire de projet est un leader qui assume généralement les responsabilités suivantes :

  • organiser la gestion du projet, y compris le travail, le calendrier, le budget, les ressources humaines et le risque;
  • fournir au représentant du client et à l’entrepreneur le nom de la personne-ressource de l’équipe de conception;
  • veiller à ce que le projet franchisse les étapes successives, de l’approbation du programme à la mise en œuvre du projet;
  • veiller à ce que le projet respecte l’échéancier et le budget;
  • gérer l’avancement du projet en :
    • dirigeant une équipe interne;
    • dirigeant et coordonnant la contribution des ingénieurs et autres consultants;
    • atteignant les objectifs financiers de l’entreprise;
  • assurer la clôture appropriée du projet.

Le gestionnaire de projet peut être un architecte patron, un associé chargé du projet, un architecte senior ou une autre personne (de préférence un architecte) ayant de l’expérience dans la pratique de l’architecture, un sens aigu des affaires et de la gestion d’un bureau et de l’expérience dans la direction d’une équipe diversifiée en mettant l’accent sur l’exécution des tâches et l’établissement de relations.

De nombreuses sources d’information décrivent les qualités de l’architecte ou du gestionnaire de projet qui assurent la réussite. Vous en trouverez certaines sur le site Web de PSMJ Resources Inc., notamment :

  • « What Are the Traits of the Best Project Managers? »;
  • « 9 Essential Skills of Highly Effective Design Leaders. »

Coordination des ingénieurs et autres consultants

Voir le chapitre 2.3 – Conseils et consultants concernant le rôle des ingénieurs et autres consultants et les ententes conclues avec ceux-ci. Voir aussi le chapitre 3.8 – Gestion des risques et responsabilité professionnelle pour les questions à prendre en compte lors de la formation de l’équipe de conception.

L’architecte du projet assume les responsabilités suivantes :

  • veiller à ce que les portées des travaux des membres de l’équipe soient complémentaires et complètes;
  • fournir rapidement et clairement toutes les informations aux ingénieurs et autres consultants afin d’optimiser leur participation;
  • veiller à la bonne coordination de leurs plans et leurs devis;
  • maintenir le moral de l’équipe et veiller à ce que tous les ingénieurs et autres consultants soient respectés et reconnus.

Voir aussi les normes du Project Management Institute qui fournissent une méthode structurée pour la gestion des projets, à www.pmi.org.


Organisation du projet

L’organisation du projet de conception comprend les représentants du client et de toutes les entreprises qui participent au travail de conception. En règle générale, l’architecte du projet est responsable de la gestion et de la coordination des travaux et des communications pour l’ensemble de l’organisation du projet. L’organisation du projet comprend non seulement la ou les firmes d’architecture, mais aussi tous les ingénieurs et autres consultants qui travaillent sur le projet. Toutefois, un client peut retenir les services de consultants à titre individuel, et la coordination de ces derniers doit être incluse dans la portée des travaux de l’architecte ou de l’un des autres ingénieurs ou consultants.


Équipes virtuelles

La plus grande partie du travail de conception est effectuée par des équipes virtuelles ou des équipes réparties à différents endroits. Il en est ainsi depuis l’apparition des spécialisations en conception de bâtiment. Les firmes d’architecture et d’ingénierie travaillent en collaboration à distance, et atteignent des niveaux d’intégration plus élevés grâce aux technologies de communication toujours plus évoluées. Même si tous les travaux d’architecture et d’ingénierie sont réalisés au sein d’une seule firme, les membres de cette firme peuvent se trouver dans des bureaux séparés et éloignés.

Pour constituer des équipes de projet virtuelles efficaces, il faut y consacrer des ressources et du temps. Cela ne se fait pas automatiquement, simplement parce que l’on connaît le rôle et les responsabilités de chacun. Les objectifs individuels de la firme et les différences culturelles peuvent remettre en cause l’efficacité de l’équipe virtuelle. L’architecte du projet doit faire preuve de leadership et d’aptitudes interpersonnelles pour faire de l’équipe virtuelle une unité de travail coordonnée. Des réunions de démarrage auxquelles assistent tous les membres de l’équipe, ainsi qu’une planification détaillée et efficace de la communication, aideront l’architecte du projet à améliorer les performances de l’équipe.

Les avantages des équipes virtuelles sont que toute firme peut gérer efficacement les affectations de travail et que le personnel peut travailler sur plusieurs projets simultanément. De plus, un bureau spécialisé dans une discipline donnée peut maintenir un haut niveau d’expertise dans son domaine de spécialité, qu’il s’agisse de conception architecturale ou d’ingénierie. L’inconvénient des équipes virtuelles est que le personnel d’un bureau distinct de celui de l’architecte du projet peut être amené à redéfinir constamment les priorités de travail de plusieurs projets, et qu’un projet donné peut souffrir des inefficacités liées à la multiplicité des tâches. De plus, les différences de culture entre les firmes peuvent entraver une communication efficace et une compréhension commune des objectifs du projet et influer sur la satisfaction des parties prenantes.


Équipes regroupées

L’approche courante pour l’organisation des projets consiste à travailler en équipes virtuelles. Il arrive toutefois que la complexité, l’ampleur ou le risque d’un projet justifient le regroupement de l’équipe de conception. Tous les membres de l’équipe de conception sont alors rassemblés dans un seul et même lieu pour optimiser la planification, l’intégration de la conception, la production et la collaboration. L’équipe ainsi regroupée peut être située dans un bureau spécifique pour le projet, créé spécialement pour le projet, ou dans un espace fourni par le client.

Les avantages du regroupement de l’équipe dans un même endroit comprennent notamment une optimisation de la gestion des flux de travail orientés sur le projet, une amélioration de la performance grâce à l’intégration de la conception et une occasion de favoriser un haut degré d’esprit d’équipe et de collégialité. Parmi les inconvénients, on peut citer l’augmentation des coûts des projets, car une firme peut demander une prime pour les employés qui ne sont pas disponibles pour d’autres projets pendant une certaine période, et la réduction des possibilités d’avancement et de développement par discipline, car les objectifs spécifiques au projet sont prioritaires. De plus, la mise en place d’un bureau de projet peut entraîner des coûts supplémentaires.


Équipes à l’interne

Pour les petits projets, les gestionnaires de projet peuvent effectuer eux-mêmes plusieurs des tâches. Pour les projets plus importants et plus complexes, plusieurs personnes participent à la même tâche. Le gestionnaire de projet doit identifier les effectifs et les compétences nécessaires et doit également diriger et motiver en permanence l’équipe interne. La composition de l’équipe est le facteur clé pour atteindre les objectifs architecturaux et financiers.

L’équipe peut comprendre le gestionnaire de projet et plusieurs architectes, stagiaires et techniciens en architecture. Les projets plus complexes ou les services très spécialisés (tels que l’acoustique, les systèmes de transport vertical, la conservation architecturale et les études sur les vents) nécessitent souvent le recours à des experts de l’extérieur.


Contrat client-architecte

L’architecte du projet doit examiner le contrat client-architecte avant de commencer le travail. Il est conseillé d’utiliser une formule de contrat normalisée, comme la Formule canadienne normalisée de contrat pour les services de l’architecte : Document Six de l’IRAC, pour les raisons suivantes :

  • les formules de contrat normalisées sont largement reconnues et acceptées;
  • les responsabilités de l’architecte et du client sont clairement définies;
  • la portée des travaux établit une distinction claire entre les services de base et les services additionnels.

Le gestionnaire de projet avisé doit examiner les modalités du contrat client-architecte et les divers contrats de services avec les ingénieurs et autres consultants pour comprendre pleinement la portée et les limites des services-conseils à fournir. Cela devrait permettre d’éviter des malentendus ultérieurs ou des attentes déraisonnables. Le gestionnaire de projet détectera toute hausse d’honoraires qui pourrait résulter de la fourniture de services additionnels, puis consultera alors le patron ou l’associé responsable et l’aidera à rajuster les honoraires. Il doit également identifier, en vue de leur résolution, toutes les lacunes ou les problèmes liés aux services des ingénieurs et autres consultants.

Voir le chapitre 3.8 – Gestion des risques et responsabilité professionnelle pour de l’information additionnelle sur les contrats client-architecte.


Planification du projet

Planification de la portée du projet de conception

La portée du projet comprend tout le travail qui doit être exécuté pour obtenir le résultat souhaité. Cela comprend la portée du produit de conception, c’est-à-dire les dessins, les modèles et les devis, et la portée du projet, les activités des services fournis.

La gestion de la portée, selon un modèle de planification de projet traditionnel et prédictif, commence par la collecte des exigences du projet, la définition de la portée du projet et du produit, l’élaboration d’un plan de travail détaillé, l’exécution de ce plan, le suivi du travail et la comparaison des résultats réels avec le plan, et les interventions de gestion nécessaires pour ajuster le travail avec le plan ou modifier le plan, s’il y a lieu.

Analyse de rentabilité
La gestion de la portée du projet de conception commence par une étude de l’analyse de rentabilité du client. L’analyse de rentabilité établit un lien entre le résultat attendu du projet les objectifs stratégiques de l’organisation.

La réalisation d’un projet commence par la documentation des besoins de l’architecte et du client. Le besoin du client peut être, par exemple, d’améliorer les délais d’intervention dans un service d’urgence, de produire davantage de produits pour répondre à la demande du marché, d’améliorer l’image d’une société sur le marché ou de moderniser une installation pour répondre aux exigences en matière de santé et de sécurité au travail. Dans les projets commerciaux et institutionnels, ce document peut s’intituler « analyse de rentabilité », « étude de faisabilité », « évaluation des besoins » ou autre appellation semblable. Ce document fait le lien entre les intérêts et les objectifs stratégiques d’une organisation cliente et la condition future souhaitée. Il doit présenter le problème en question, y compris l’analyse, les contraintes et les hypothèses. Il peut ou non inclure une portée spécifique ou même une solution définie au problème. Il doit inclure les ressources, financières et autres, que l’organisation est prête à investir dans l’initiative visant à résoudre le problème, mais pas une estimation du coût de la solution encore inconnue.

L’analyse de rentabilité du client établit un lien entre le besoin stratégique de l’organisation cliente et le résultat souhaité d’un programme ou d’un projet. Par exemple, l’analyse de rentabilité d’un conseil scolaire pour une nouvelle école doit décrire l’évolution démographique d’un district scolaire sur une décennie ou plus, les fonds d’investissement disponibles pour une nouvelle école et les dépenses maximales du programme de conception-construction. Elle inclura également les coûts d’exploitation et l’impact que la nouvelle école aurait sur les zones adjacentes.

L’analyse de rentabilité de l’architecte pour l’exécution de la commande de conception de la nouvelle école inclurait les avantages pour la firme d’aller de l’avant avec le projet par rapport à d’autres possibilités, ainsi que l’impact que le projet aurait sur les ressources de la firme. Ces avantages peuvent comprendre la rentabilité, la reconnaissance ou un renforcement de la présence sur les marchés existants ou nouveaux. L’analyse de rentabilité de l’architecte doit établir un lien entre les raisons d’aller de l’avant avec le projet et les objectifs stratégiques de la firme.

L’étude de l’analyse de rentabilité du client et de celle de la firme d’architecture permettra à l’architecte de se familiariser avec la portée du produit de conception, l’étendue du projet de conception et le travail qui doit être effectué pour atteindre le résultat souhaité.

Collecte des exigences
Pour gérer la portée du projet, il est essentiel de bien saisir les exigences du produit et du projet. Ces exigences peuvent provenir de nombreuses sources, notamment du client, des utilisateurs du bâtiment, des voisins, des autorités compétentes et de toute partie prenante qui peuvent exprimer un intérêt pour le projet et qui ont l’influence et la capacité d’exercer un impact sur le travail et les résultats du projet.

Les exigences du produit comprennent le programme fonctionnel pour les espaces, les systèmes de construction, les paramètres opérationnels, ainsi que les contraintes et les limitations. Les exigences du projet comprennent les services à fournir. De même, la portée du projet comprend la manière de gérer les communications; les processus d’examen par le maître de l’ouvrage, les parties prenantes et les autorités compétentes; et les attentes concernant le format des produits livrables, tels que les modèles, les rendus, les dessins et les devis.

La collecte des exigences est un processus qui requiert du leadership et des compétences relationnelles, des compétences en communication et la maîtrise de techniques d’animation de groupe.

À ce stade précoce du projet d’architecture, le projet d’architecture comporte trois risques importants : le manque de clarté et de compréhension des exigences énoncées par le client; les exigences non énoncées du client; et les exigences énoncées et non énoncées des parties prenantes. Le temps investi dans la collecte des exigences n’est jamais du temps perdu. Voir les dix valeurs de la prise de décision efficace dès le début du projet, tel qu’illustré dans la courbe MacLeamy, dans le chapitre 6.1 – Études préconceptuelles.

Définition de la portée
La définition de la portée comprend les étapes nécessaires pour développer le projet et s’assurer qu’il comprenne l’ensemble des tâches à accomplir. La définition de la portée du projet consiste principalement à définir ce qui est dans le produit et le projet et ce qui ne l’est pas. Pour exercer le contrôle sur la portée du projet, il faut établir des définitions claires dès le départ de manière à pouvoir cerner, documenter et traiter adéquatement toutes les différences qui surviendront par rapport à la portée convenue.

Les activités reliées à la définition de la portée consistent notamment à :

  • analyser les exigences et les attentes des parties prenantes, y compris celles du client, des autorités compétentes, des utilisateurs des bâtiments, etc., afin d’identifier les processus qui nécessitent un travail de la part de l’équipe de conception, comme la préparation et la présentation de rapports, les demandes d’approbations réglementaires ou les séances de collecte d’informations;
  • déterminer les exigences du mode de réalisation du projet de construction;
  • décomposer le résultat global intégré en systèmes et composants pour identifier les livrables et les sous-livrables du processus de conception, comme un rapport sur la phase de l’esquisse ou des documents de construction.

La définition de la portée donne lieu à un énoncé de la portée. Cet énoncé décrit le produit prévu et le projet. Un énoncé de la portée du produit est souvent inclus en annexe d’une Demande de propositions. Un énoncé des exigences du produit doit décrire les principaux objectifs de la solution qui permettra de résoudre le problème défini par le client ou de répondre à l’opportunité de projet du client. Les objectifs du projet doivent également être liés aux critères que le client utilisera pour évaluer le projet.

La portée du produit peut comprendre les points suivants :

  • relations spatiales et physiques :
    • espaces fonctionnels, dimensions physiques de l’installation et relations spéciales;
    • exigences opérationnelles;
    • limites géographiques;
    • accès à l’emplacement pour les piétons, le transport public et les véhicules;
    • stationnement;
    • sécurité;
    • fonctions et espaces à des fins spéciales;
    • espaces transitoires;
  • éléments de conception et systèmes du bâtiment :
    • conformité aux normes environnementales et de développement durable;
    • éléments patrimoniaux à prendre en considération;
    • capacité de la structure;
    • exploitation et entretien;
    • systèmes mécaniques du bâtiment;
    • enveloppe à haute performance et conception des systèmes;
    • alimentation d’urgence.

L’énoncé de la portée du projet peut comprendre les éléments suivants, en tout ou en partie :

  • processus et activités du client :
    • stratégies du client, politiques applicables, réglementation du secteur (autre que les codes du bâtiment) et éventuelles violations des normes qui en découlent, ainsi que leurs effets;
    • source de financement du projet;
    • normes de santé et sécurité particulières au projet;
    • préférence ou exigence du client concernant les modes de conception-construction – gestion de l’approvisionnement;
    • établissement du calendrier, délais et phasage;
    • sécurité;
    • création de valeur et analyse de la conception.

L’énoncé de la portée doit décrire en détail la portée du projet nécessaire pour atteindre les objectifs fixés. Il est important de garder à l’esprit les exigences relatives à la portée du produit (les caractéristiques et les fonctions d’un produit ou d’un service) et à la portée du projet (le travail nécessaire pour réaliser le produit). Les objectifs du projet doivent également définir les critères selon lesquels les parties prenantes pourront juger de la réussite du projet. L’équipe de projet doit travailler ensemble pour préparer un énoncé détaillé de la portée du projet qui produit les livrables du projet (portée des livrables physiques, des services et des activités).

Hypothèses et contraintes
Tous les énoncés de portée doivent comprendre un volet sur les hypothèses et les contraintes du projet.

Les hypothèses doivent être explicitement énoncées. Elles représentent des inconnues qui doivent être testées et validées au cours du projet. Voici des exemples d’hypothèses :

  • la structure existante du bâtiment est capable de supporter le nouvel usage;
  • les propriétaires voisins s’opposeront à la hauteur du nouveau bâtiment proposé;
  • les services municipaux et les réseaux d’eau potable, d’écoulement des eaux pluviales et des eaux usées ont la capacité de répondre aux besoins du nouveau bâtiment.

Chacune de ces hypothèses représente un risque important pour la réussite d’un projet et la satisfaction des parties prenantes si elle n’est pas testée, si elle n’est pas jugée valable ou non valable et si elle ne fait pas l’objet de mesures appropriées.

Les contraintes sont généralement hors du contrôle de l’équipe de conception. Elles portent notamment sur la date limite de financement d’un client, le démarrage de la construction dès le dégel du sol, ou le désir d’un client d’utiliser un mode de réalisation de projet de conception-construction.

Toutes les hypothèses et les contraintes doivent être prises en compte dans le plan de gestion des risques du projet.

Établissement de la structure de répartition du travail
La structure de répartition du travail (SRT) est une représentation hiérarchique et graphique du travail à effectuer pour le projet. Elle est le pôle de tous les autres processus et activités de planification et de gestion du projet. Elle décompose les livrables du projet en éléments qui peuvent être affectés à des personnes et gérés. On peut l’établir en fonction des phases, des activités ou des livrables physiques et des services du projet.

FIGURE 1 Structure de répartition du travail d’un projet de rénovation et agrandissement d’une école primaire (seules les phases de l’esquisse et du projet préliminaire sont illustrées ci-dessus ; l'image liée s'étend à l'appel d'offres)

Le niveau supérieur de la SRT représente les principaux livrables du projet. Ces livrables sont ventilés ou « décomposés » en sous-livrables, qui sont ensuite décomposés en tâches. La SRT peut comprendre plusieurs niveaux, selon l’ampleur et la complexité du projet. Son objectif est de décomposer le travail du projet en tâches qui sont suffisamment simples pour être :

  • individuellement comprises et clairement définies (p. ex., « élévations », « dessins des détails des escaliers » ou « section de devis XX-XX-XX »);
  • clairement communiquées aux personnes chargées d’effectuer le travail, notamment par un calendrier, des instructions de travail et le niveau d’effort (le coût) qui peut être estimé avec un degré de précision raisonnable);
  • suivies quant à leur état (commencées ou pas, en cours, terminées).

L’avantage de la SRT est qu’elle donne à l’équipe de projet un aperçu de ce qui est inclus dans le projet, et lui permet de mieux comprendre comment les différentes étapes se rejoignent pour produire le produit final.

La SRT devient la base de référence de la portée du projet du fait qu’elle illustre le travail approuvé à effectuer, tout le travail à effectuer, et seulement le travail à effectuer. Toute modification à la portée du produit ou du projet doit être documentée et approuvée, puis la base de référence de la portée doit être révisée en conséquence. Les coûts du projet sont contrôlés au niveau de chaque tâche. Les besoins en ressources sont estimés pour chaque tâche. La responsabilité de l’exécution du projet est gérée par l’attribution des tâches. Les tâches sont décomposées en activités qui prennent du temps, qui sont ensuite séquencées avant que les durées ne soient estimées. La SRT est le pôle de tous les processus de planification et de contrôle du projet.

L’élaboration de la SRT et d’autres processus de planification et de contrôle du projet ont pour but de réduire le fardeau de la gestion du projet et de pouvoir faire le suivi, exercer le contrôle de l’avancement du projet et en faire rapport avec efficacité et efficience.


Planification du calendrier du projet de conception

Les architectes évoluent dans un milieu axé sur les échéances. Bien que la portée, la qualité et le coût soient tous des facteurs essentiels à la satisfaction des parties prenantes, lorsque les choses se bousculent, le calendrier devient souvent le moteur de la prise de décision sur le projet. Un calendrier de projet bien élaboré peut aider l’architecte à garder le contrôle du travail prévu lorsque les échéances se rapprochent.

Les calendriers de projet sont des outils de planification qui aident l’architecte et les équipes de projet à organiser diverses tâches définies pour respecter les délais fixés par les attentes du client et les obligations contractuelles. En outre, les calendriers permettent de suivre l’avancement des tâches jusqu’à l’achèvement du projet. Comme il existe diverses techniques de planification pour de nombreux types de projets, le gestionnaire de projet doit choisir une méthode qui peut être adaptée à l’ampleur et à la complexité du travail. Le présent chapitre passe en revue les outils de base de la planification de calendrier couramment utilisés dans la gestion des projets de conception.

Diagramme des jalons
Cet outil relativement simple met en relation la réalisation des livrables du projet avec des nombres de jours contraignants. Il peut prendre plusieurs formats et inclure d’autres renseignements. Il fournit un aperçu de haut niveau des attentes concernant l’achèvement des principales phases du projet. Il relie généralement l’achèvement d’un livrable donné à une date.

FIGURE 2 Diagramme des jalons du projet

Le diagramme des jalons du projet vise à communiquer des informations de niveau administratif et à encadrer les contraintes du calendrier du projet. On peut le créer dans différents formats, à l’aide d’une série d’outils logiciels. L’exemple de la Figure 2 a été créé à l’aide de Microsoft Project et il réduit le calendrier détaillé pour ne montrer que les plages de dates des livrables selon les phases.   

Listes des activités
Pour élaborer le calendrier, il faut décomposer les tâches de la structure de répartition du travail (SRT) en listes d’activités. Idéalement, chaque activité devrait inclure des instructions de travail, des formulaires et des modèles associés, afin que les membres de l’équipe aient l’information nécessaire pour poursuivre leur travail lorsqu’ils ne peuvent être encadrés plus activement. Lorsque les coûts du projet sont contrôlés au niveau des tâches, le développement des activités qui demandent beaucoup de temps peut nécessiter une décomposition des tâches en listes d’activités. Lorsqu’une tâche est susceptible de s’étendre sur deux semaines (durée maximale typique des tâches du projet), il peut être nécessaire de la décomposer dans le détail pour estimer les besoins en ressources et la durée des activités, et pour séquencer les activités.

FIGURE 3 Répartition des activités du projet

La répartition de la Figure 3 illustre la décomposition des tâches qui demandent beaucoup de travail en activités qui prennent beaucoup de temps.

Détermination du chemin critique
Le chemin critique est le plus long cheminement des activités séquentielles et parallèles dans le calendrier d’un projet. Il représente le délai le plus court dans lequel un projet peut être achevé. Pour déterminer le chemin critique, il faut estimer la durée des activités et séquencer les activités.

Diagramme de réseau
Le diagramme de réseau ou diagramme des antécédents illustre les relations entre les activités.

FIGURE 4 Diagramme général du réseau du projet

Le diagramme de réseau illustre les relations entre toutes les activités du projet.

FIGURE 5 Détail du diagramme de réseau du projet – Phase du projet préliminaire

L’optimisation de la durée des activités et leur ordonnancement minutieux par un réaménagement des ressources peuvent réduire la longueur du chemin critique et, par conséquent, le chemin critique.

Un diagramme de réseau est un excellent outil pour montrer à quel moment de l’élaboration du projet de conception les parties prenantes jouent un rôle dans l’examen et l’approbation. Lorsqu’un projet requiert des jalons ou des dates d’achèvement (par exemple, emménager avant le premier jour d’école), le diagramme de réseau peut aider à identifier les limites des décisions du client ainsi que les échéances pour l’avancement du travail de l’équipe de conception.

Diagramme de Gantt
Le diagramme de Gantt, inventé par l’ingénieur en mécanique Henry Gantt, fait passer l’élaboration des calendriers à une autre étape. Il séquence la structure de répartition du travail (SRT) et les activités prévues avec leurs durées correspondantes sur un calendrier linéaire. On peut alors visualiser le travail du projet, car chaque activité est interprétée comme une barre sur un calendrier linéaire, sa longueur étant proportionnelle à sa durée. Le diagramme de Gantt est couramment utilisé, car il est facile à créer et convivial, il est visuellement clair et il répond aux exigences de la plupart des projets.

FIGURE 6 Diagramme de Gantt d’un projet

Le diagramme de Gantt présente de nombreuses variantes. Les logiciels actuels permettent de prendre en compte une multitude de variables, telles que les noms des ressources, le coût ou la date d’achèvement. Ce diagramme peut illustrer les liens entre les activités, comme le fait un diagramme de réseau. Toutefois, les architectes doivent savoir qu’un excès d’informations peut créer de la confusion dans le diagramme, et que les principaux points à communiquer risquent de se perdre parmi une pléthore de lignes, de textes et de barres. L’architecte du projet doit être conscient des besoins d’information des parties prenantes du projet et adapter le diagramme à chaque groupe de parties prenantes.

Amélioration du calendrier
Le calendrier initial du projet doit être élaboré en partant de l’hypothèse que tout le travail est effectué pendant les heures normales de travail, sans heures supplémentaires, à un taux de rémunération standard, et en appliquant les ressources à des niveaux permettant d’optimiser l’efficacité. La durée réelle du projet ne peut être déterminée qu’après l’élaboration du calendrier complet. On peut alors évaluer si la durée prévue du projet est acceptable et si les ressources seront disponibles aux moments prévus. On peut appliquer des techniques d’accélération et de compression (voir ci-dessous) pour réduire la durée du calendrier. On peut aussi niveler les ressources pour les répartir plus uniformément dans le calendrier du projet et limiter les fluctuations imprévisibles dans l’utilisation des ressources.

Compression et accélération
La compression du calendrier est une technique selon laquelle des ressources additionnelles sont appliquées à certaines activités du chemin critique pour en réduire la durée et donc réduire la longueur du chemin critique. La compression est systématiquement appliquée pour raccourcir ces activités en appliquant d’abord des ressources supplémentaires au coût unitaire ou au taux horaire le plus bas, puis en appliquant progressivement des ressources supplémentaires à des taux de coût croissants jusqu’à ce que la durée souhaitée du chemin critique soit atteinte. Le risque de la compression est qu’en raccourcissant le chemin critique, on peut faire apparaître d’autres chemins critiques. Le raccourcissement de la durée d’un nombre croissant de chemins critiques devient progressivement plus coûteux. Un autre inconvénient de la compression est que le coût du projet augmente de manière disproportionnée.

L’accélération est le processus qui consiste à modifier les relations entre les activités en effectuant en parallèle des travaux qui seraient normalement effectués en séquence. Un exemple serait l’achèvement de la conception de l’étage supérieur alors que les travaux de fondations sont déjà en cours. Contrairement à la compression, les coûts du projet ne devraient pas dépasser les coûts estimés; cependant, le risque du projet augmente, car les travaux effectués hors séquence peuvent entraîner des corrections et des reprises du travail.


Planification du coût du projet de conception

En général, au début d’un projet, le client prépare un budget global pour « son » projet. Ce budget représente les ressources financières qu’il est prêt à investir. Il comprend le budget du projet de conception, du projet de construction et de tout autre volet du programme global d’immobilisation. Il est important d’obtenir, d’examiner et, si nécessaire, de remettre en question les hypothèses inhérentes au budget du client, en se rappelant que le client n’est généralement pas un concepteur ou un constructeur et qu’il peut avoir fait des hypothèses injustifiables. Ce processus d’examen doit permettre à l’équipe de conception de comprendre clairement quels sont les fonds réellement disponibles pour le contrat de construction.

Les rôles de l’architecte du projet/gestionnaire du projet sur le plan financier sont de gérer les ressources financières du projet de conception, de faire le suivi des coûts de construction et de certifier les paiements à l’entrepreneur pour le projet de construction.

Les tâches reliées à la gestion du coût du projet de conception consistent notamment à :

  • établir des systèmes de suivi et de compte rendu des ressources sur la base de la structure de répartition du travail (SRT);
  • estimer le coût des ressources nécessaires pour chaque tâche, y compris celles de l’architecte, des ingénieurs et des consultants spécialisés, et appliquer les coûts estimés de chaque tâche au calendrier pour créer la base de coûts (le montant dépensé pour les tâches, et à quel moment);
  • au fur et à mesure de l’exécution du projet, recueillir des données sur l’utilisation des ressources (feuilles de temps et notes de frais), en utilisant généralement la méthode des feuilles de temps dans lesquelles l’équipe enregistre les heures consacrées aux différentes tâches énumérées dans la SRT;
  • comparer l’utilisation réelle des ressources par rapport aux coûts de base et calculer les écarts;
  • si les écarts entre les coûts réels et le plan sont inacceptables, prendre des décisions de gestion pour aligner le travail sur la base de référence des coûts, modifier la base de référence, ou une combinaison de ces deux mesures.

Voir le chapitre 3.4 – Gestion financière pour de l’information sur le contrôle des coûts dans le bureau d’architectes. Voir le chapitre 4.2 – Planification et contrôle des coûts du projet de construction pour de l’information sur le rôle de l’architecte en appui à la gestion des coûts de construction du projet.


Exécution du projet de conception et contrôle de la portée, de la qualité, du coût, du calendrier et du risque

Le contrôle de la portée, de la qualité, du calendrier, du coût et du risque du projet de conception suppose les tâches suivantes :

  • communiquer le plan du projet à l’équipe du projet en décrivant clairement leurs rôles et responsabilités et les attentes de l’architecte du projet;
  • s’assurer que les ressources appropriées sont disponibles et aptes à exécuter le travail nécessaire pour créer les livrables;
  • offrir de la formation et de l’encadrement et faire preuve de leadership;
  • gérer les communications du projet, l’information et les communications avec les parties prenantes, y compris :
    • les réunions;
    • le journal des problèmes et des actions qui en découlent;
    • les communications téléphoniques;
    • les messages électroniques et papier (correspondance, notes de service, courriels);
    • la tenue des dossiers, tels que les procès-verbaux des réunions, les notes, les dossiers de projet et autres documents;
  • la suppression des obstacles qui nuisent à la performance de l’équipe;
  • le suivi et le contrôle du projet de conception :
    • examiner le travail créé par l’équipe;
    • le comparer au plan du projet;
    • contrôler la qualité des livrables de la conception par des examens, une coordination et une inspection pour en vérifier l’exactitude;
    • valider la portée des livrables de la conception pour en vérifier l’exhaustivité;
    • identifier les écarts entre le travail effectué et le plan du projet sur les plans de la portée, de la qualité, du calendrier et des coûts;
    • prendre des mesures de gestion pour ramener la portée, la qualité, le calendrier et le coût du travail en conformité avec le plan du projet de conception, ou modifier le plan ou encore utiliser une combinaison de ces deux mesures;
  • surveiller et gérer constamment l’engagement des parties prenantes.

Clôture du projet

Le projet de conception n’est pas terminé tant que les dernières étapes de la clôture ne sont pas terminées. Ces étapes établissent que le projet, y compris sa construction, a été correctement et entièrement achevé.

Il est important de planifier la clôture pour s’assurer :

  • qu’il y aura suffisamment de ressources disponibles pour exécuter les tâches de clôture;
  • que les documents du projet sont distribués dans le format approprié aux parties prenantes qui en ont besoin;
  • que toutes les obligations contractuelles de projet de conception ont été satisfaites.

Les logiciels d’aujourd’hui comprennent des applications conçues pour saisir en temps réel les tâches d’un projet, y compris les tâches de son achèvement. Ils peuvent réduire le besoin de ressources ou d’effort additionnels à cette étape.


Évaluation du projet

La firme doit évaluer si le projet a atteint ses objectifs financiers et professionnels. Cette évaluation peut comprendre une évaluation externe avec le client. Le gestionnaire du projet doit analyser le projet et, si les objectifs n’ont pas été atteints, en déterminer la cause et proposer des mesures correctives pour les projets futurs. Cette évaluation doit être communiquée aussi largement que possible au sein de la firme, afin que les leçons tirées de ce projet puissent être appliquées à d’autres projets en cours et futurs.

Dessins d’archives
Si les services de la firme ont été retenus à cette fin, le gestionnaire du projet supervisera la préparation des dessins DAO ou dans un autre format pour le client, sur la base des « annotations » des entrepreneurs qui indiquent les modifications apportées aux documents de construction. Le gestionnaire du projet doit retourner au client tous les documents, comme les dessins et devis de construction, qui ont été fournis en référence pour la conception d’un projet de rénovation ou d’agrandissement d’un bâtiment existant.

Archivage
Les documents du projet, y compris toutes les communications électroniques et les dessins d’archives, doivent être conservés. On doit les classer de façon claire, de manière à pouvoir les retrouver rapidement, que ce soit pour les utiliser dans d’autres projets, ou pour les consulter en cas de poursuite.

Base de données de la firme
Le gestionnaire de projet doit extraire des documents du projet toute information qui peut enrichir la base de données de la firme pour des projets ultérieurs, notamment :

  • les estimations du coût de construction spécifiques au client, au type du projet, au mode de réalisation du projet ou à son emplacement géographique;
  • les exigences particulières relatives à un client, un entrepreneur, un type de contrat, une collectivité, un type de projet ou sa complexité, la zone climatique, y compris les exigences de systèmes d’évaluation de bâtiments durables, comme LEED;
  • les détails ou les devis relatifs à la réutilisation de la construction.

Ce type de renseignements peut servir à l’élaboration de la structure de répartition du travail (SRT) principale.

Documentation promotionnelle
À partir des documents (croquis, perspectives, plans et photographies) et des données du projet, le gestionnaire de projet doit préparer un « dossier du projet » ou une « fiche des données du projet », à ajouter au portfolio de la firme en vue d’une utilisation future. Ce dossier doit mettre en évidence les particularités du projet et ses principaux défis, et montrer la contribution de l’architecte à sa réussite. Voir aussi le chapitre 3.3 – Marque, relations publiques et marketing.


Utilisation de la « Liste de contrôle pour la gestion du projet d’architecture »

Une « Liste de contrôle pour la gestion du projet d’architecture » est jointe en annexe à la fin du présent chapitre. Cette liste est basée sur l’ancien Practice Bulletin Number 67, Architect’s Project Progress Record de l’Ontario Association of Architects. Le document a été reformaté, les références à la terminologie provinciale ont été modifiées et quelques améliorations ont été apportées.

Bien que la conception et la gestion des projets d’architecture ne sont pas nécessairement linéaires ni quantifiables, cette liste de contrôle peut aider l’architecte à planifier et à consigner l’état d’avancement des principales tâches à accomplir pendant l’exécution d’un projet.


Références

AMERICAN INSTITUTE OF ARCHITECTS et Joseph A. Demkin, rédacteur en chef. The Architect’s Handbook of Professional Practice, 15th Edition. Hoboken, NJ: John Wiley & Sons, 2013.

buildingSMART Canada. Manuel de pratique canadien pour la MDB, buildingSMART Canada, 2016.

EMMITT, Stephen. Design Management for Architects, Second Edition, Oxford, Wiley Blackwell, 2014.

PROJECT MANAGEMENT INSTITUTE. A Guide to the Project Management Body of Knowledge, Sixth Edition, Newtown, PA, Project Management Institute, 2017.

PSMJ RESOURCES, INC. “9 Essential Skills of Highly Effective Design Leaders.” PSMJ Resources, Inc., 5 février 2019. http://go.psmj.com/blog/nine-essential-skills-of-highly-effective-design-leaders, consulté le 7 octobre 2020.

PSMJ RESOURCES, INC. “What Are the Traits of the Best Project Managers?” PSMJ Resources, Inc., 9 juillet 2015. http://go.psmj.com/blog/what-are-the-traits-of-the-best-project-managers, consulté le 7 octobre 2020.

ROYAL INSTITUTE OF BRITISH ARCHITECTS. Guide to Using the RIBA Plan of Work, 2020, London, RIBA Publishing, 2020.

ROYAL INSTITUTE OF BRITISH ARCHITECTS. RIBA Job Book, Ninth Edition, London, RIBA Publishing, 2013.

ROYAL INSTITUTE OF BRITISH ARCHITECTS. « RIBA Plan of Work 2020. » https://www.architecture.com/-/media/GatherContent/Test-resources-page/Additional-Documents/2020RIBAPlanofWorktemplatepdf.pdf, consulté le 7 octobre 2020.



Annexes