Chapitre 3.1
Démarrage et structure d’une firme d’architecture


Définitions

Coentreprise : Une relation d’affaires définie entre deux firmes d’architecture ou plus, créée dans un but ou un objectif limité et exempte de certaines obligations et responsabilités d’une société de personnes.

Entreprise individuelle : Une firme d’architecture dirigée par un seul architecte qui en est le propriétaire unique.

Société de personnes : Une relation non constituée en personne morale entre des architectes (ou d’autres professionnels dans la mesure permise par les exigences provinciales) pour l’exercice d’une activité en commun.

Société par actions : Une entité juridique distincte formée par un groupe de personnes qui agit comme une seule entité. La société par actions, aussi appelée compagnie ou personne morale, est constituée en vertu de la loi.


Introduction

Bien des raisons peuvent amener un architecte à décider d’ouvrir sa propre firme. En voici quelques unes :

  • le désir de maîtriser son propre destin professionnel;
  • la motivation d’offrir ses services à la société et à des clients;
  • le souhait de se spécialiser dans un domaine ou un créneau en particulier;
  • une invitation à s’associer à un collègue ou à une firme établie, ou à acquérir des actions d’une firme;
  • l’obtention d’une commande importante, que ce soit par le biais d’un concours ou par un partenaire en affaires;
  • une façon de créer du travail ou de l’emploi.

Tout architecte qui envisage d’ouvrir une firme doit être conscient dès le départ des répercussions d’un tel changement sur sa vie personnelle, professionnelle et financière, et en évaluer soigneusement toutes les conséquences avant de s’engager dans cette voie.

L’établissement et le maintien d’une firme d’architecture exigent certaines compétences. Son propriétaire doit être capable :

  • de développer et de commercialiser la proposition de valeur de la firme, d’attirer des clients et de vendre des services;
  • de négocier les honoraires et les conditions rattachés aux contrats client-architecte;
  • de recruter et de gérer du personnel qualifié;
  • de fournir la gamme complète des services d’architecture avec compétence et efficacité;
  • de collaborer avec les entrepreneurs et d’administrer les contrats;
  • de réaliser des profits et d’assurer la stabilité de la firme.    

Les premières étapes cruciales du démarrage d’une firme consistent à évaluer ses propres capacités, à établir des objectifs à long terme et à élaborer un modèle d’affaires, un plan d’affaires et un plan stratégique.


Profils de firmes d’architecture

Bien des entreprises se dotent d’un énoncé de mission qui les aide à s’assurer que tous leurs membres concentrent leurs efforts sur les objectifs établis dans le plan stratégique.

L’énoncé de mission définit, dans une certaine mesure, le style de firme que l’on veut créer. Selon The Coxe Group, les firmes se divisent selon trois profils :

  • Les firmes dont la force réside dans les idées (les cerveaux). Ce sont des firmes qui offrent une expertise particulière ou qui savent innover sur des projets au caractère tout à fait unique. La technologie de leurs projets leur donne la flexibilité nécessaire pour réaliser des mandats de toutes sortes. Ces firmes sont souvent tributaires d’un ou de quelques éminents spécialistes (des « stars ») qui prennent les décisions finales. 
  • Les firmes dont la force réside dans le service (les têtes grises). Ce sont des firmes qui offrent de l’expérience et de la fiabilité, surtout pour des projets complexes. La technologie de leurs projets leur sert souvent à offrir des services exhaustifs à des clients qui veulent participer étroitement au processus;
  • Les firmes dont la force réside dans la prestation (procédures). Ce sont des firmes qui offrent des services très efficaces sur des projets semblables ou de nature plus routinière, souvent à des clients qui recherchent davantage un produit qu’un service. La technologie de leurs projets leur permet de réutiliser des solutions qui ont fait leurs preuves et dont la technique est très fiable, tout en respectant les budgets et les échéanciers.

– Selon le livre Success Strategies for Design Professionals de The Coxe Group, Inc.

Cependant, un « profil » de firme d’architecture est le fruit d’un ensemble de facteurs qui se combinent pour créer une image globale de l’entreprise. La création d’un profil unique et reconnaissable sur le marché exige une planification soigneuse. Le profil définit la « proposition de valeur » de l’entreprise – la manière dont elle se différencie des autres. Au fur et à mesure de son évolution, la firme peut présenter une combinaison de deux ou plusieurs de ces profils.


Modèle d’affaires, plan d’affaires et plan stratégique

Le modèle d’affaires, le plan d’affaires et le plan stratégique sont trois documents connexes, mais différents. Ils ont chacun leur propre objectif, et ensemble, ils offrent une perspective complète de l’entreprise.


Modèle d’affaires

Le modèle d’affaires est une description et une illustration de la valeur que l’entreprise offrira au marché; de la manière dont elle servira ses clients et générera des revenus; et des ressources et partenariats nécessaires à la prestation des services.

Les firmes d’architecture utilisent divers modèles d’affaires pour créer et gérer leurs ressources et leurs actifs immobilisés. Celles qui basent leurs modèles d’affaires sur une relation traditionnelle avec le maître d’ouvrage ou le client s’exposent à une perte d’influence dans la chaîne d’approvisionnement conception-construction-exploitation. Comme c’est le cas dans tous les secteurs, les architectes doivent explorer des moyens novateurs de faire des affaires. Ils doivent créer de nouveaux types de valeur pour les clients, établir de nouvelles relations de partenariat et explorer les possibilités d’améliorer l’efficacité et l’efficience de la prestation de services et d’autres sources de revenus. Le modèle d’affaires précède le plan d’affaires et le plan stratégique.

L’approche de matrice de modèle d’affaires développée par Alex Osterwalder fournit un processus et des outils pour examiner à fond la manière dont une entreprise aborde la conduite des affaires et la création de valeur, en repensant les systèmes et hypothèses traditionnels et en se concentrant sur ce qui est important dans la prestation de services.

Cette matrice de modèle d’affaires comprend neuf composantes :

FIGURE 1 Matrice de modèle d’affaires, adapté de « Business Model Nouvelle Génération » par Alexander Osterwalder et Yves Pigneur.

À titre d’exemple de proposition de valeur, une firme peut chercher à générer de la valeur pour ses clients et utiliser à cette fin un modèle d’affaires axé sur une conception durable et régénérative qui nécessite des niveaux de collaboration beaucoup plus élevés au sein d’une équipe de projet élargie.

La proposition de valeur doit énoncer explicitement la valeur de l’architecte en tant que facilitateur, et mettre fortement l’accent sur la programmation et l’engagement des clients et des parties prenantes. L’importance accordée à une consultation élargie et au soutien technique dès le début du projet peut nécessiter des ressources et des activités différentes, ainsi que la participation de partenaires non traditionnels. Le modèle d’affaires d’une firme d’architecture qui désire réaliser des projets durables et à haute performance pourrait par exemple intégrer les stratégies suivantes :

  • leadership par la diffusion et la facilitation de l’information;
  • planification et analyse de scénarios;
  • imagination dans la programmation et l’élaboration de modèles pour la production;
  • recherche constante soutenant l’idéation et la documentation;
  • gestion des connaissances par des systèmes structurés soutenus par la mémoire de l’entreprise;
  • prise de décision fondée sur des données probantes;
  • recours à des généralistes et à des spécialistes de soutien;
  • attention à la programmation plutôt qu’à la forme, tout en reconnaissant le potentiel formel des modèles de construction compris.

Bien des firmes ont adopté la modélisation des données du bâtiment (MDB) comme une technologie permettant de visualiser la conception et d’accroître l’efficacité de la production. Toutefois, le plus grand avantage de la MDB, c’est qu’elle intègre le potentiel de transparence du flux des données tout au long de la chaîne d’approvisionnement de l’industrie de la conception-construction. Cela peut accélérer la réalisation des projets lorsque des solutions de rechange aux méthodes traditionnelles de planification prédictive des projets sont appliquées. La meilleure façon de repenser l’approche d’une firme d’architecture à la création de valeur et son repositionnement dans une chaîne d’approvisionnement intégrée est de créer un nouveau modèle d’affaires innovant.      

Voir les références supplémentaires sur la création d’un modèle d’affaires et de propositions de valeur à la fin de ce chapitre.

La matrice de modèle d’affaires est un outil pour aider l’architecte à définir la valeur qui attirera les clients et élargira la clientèle de la firme de diverses façons, notamment :

  • la spécialisation dans un domaine d’expertise ou un type de bâtiment;
  • le développement de nouveaux marchés par l’élargissement des canaux de clientèle, le développement de nouvelles relations ou l’identification de nouveaux segments de clientèle;
  • l’apport d’une valeur additionnelle par la prestation de services préconceptuels ou d’après-construction pour englober le cycle de vie d’une installation;
  • la formation de partenariats avec des groupes non traditionnels ou des personnes dont les activités ne cadrent généralement pas avec celles des architectes.

Plan d’affaires

Le plan d’affaires applique les connaissances acquises grâce à la préparation du modèle d’affaires et présente une description détaillée de la structure proposée de l’entreprise, de son potentiel de génération de revenus et de ses besoins en ressources, notamment financières, humaines et technologiques. Le plan d’affaires est un document de démarrage avec un calendrier défini et à court terme qui porte par exemple sur la première année. Il est utilisé pour démontrer aux partenaires commerciaux de la firme, tels que les bailleurs de fonds et les fournisseurs des principales ressources, que la firme peut attirer des clients, générer des revenus, réaliser des bénéfices et respecter ses engagements.

Le modèle d’affaires décrit les services et les prestations de l’architecte qui, selon lui, attireront des segments de clientèle, ainsi que la manière dont il entend les créer et les fournir. Le plan d’affaires décrit quant à lui les systèmes opérationnels que la firme mettra en place pour fournir ces produits et services. Le plan d’affaires décrit, en termes concis et précis, le résultat de l’analyse et détermine les revenus et les coûts prévus, une liste des ressources nécessaires et de leurs coûts, le flux de trésorerie prévu, la méthode employée par la firme pour attirer des clients et obtenir des commandes, ainsi qu’un calendrier pour atteindre la rentabilité.

Le plan d’affaires apporte des réponses à des questions difficiles et concrètes. Il peut s’écouler un certain temps avant que le propriétaire d’une nouvelle entreprise termine les analyses nécessaires et établisse un plan d’affaires valable. L’un des aspects les plus difficiles peut être de trouver et d’obtenir les commandes initiales qui soutiendront la firme au cours de la première année. Un client-champion qui apprécie le travail antérieur d’un architecte, partage sa vision du design, est d’accord avec son approche de la gestion de projet et l’apprécie est une ressource inestimable à cet égard.

Une firme établie devra probablement revoir son plan d’affaires sur une base annuelle. C’est un document qui évolue avec la firme au fil du temps.

L’architecte qui désire élaborer son plan d’affaires a accès à de nombreuses ressources et peut s’adresser à des consultants spécialisés dans l’aide aux firmes de services professionnels. Les institutions financières et les centres d’aide aux entreprises offrent aussi des services de planification, des outils et des modèles, ainsi que des forfaits financiers pour aider les petites entreprises à planifier leurs activités.

Voir l’Annexe A – Description d’un plan d’affaires à la fin de ce chapitre pour le contenu d’un tel plan.


Plan stratégique

Le contenu du plan d’affaires de Rena Klein, voir l’annexe A, n’est qu’un exemple qui illustre un plan d’affaires combiné à un plan stratégique. Ce plan d’affaires suppose également que la firme vise la croissance pour passer du statut de petite à celui de moyenne entreprise. L’un des facteurs les plus importants qui poussent une firme à élaborer un plan stratégique est la nécessité d’étendre la gestion de la firme au-delà de la portée d’un seul praticien, que ce soit par le biais d’un partenariat, lorsque plusieurs propriétaires doivent s’entendre sur l’orientation stratégique et les approches de gestion, ou lorsque des responsabilités de gestion sont confiées à des employés.

Alors que le plan d’affaires est un document à court terme créer pour lancer une firme d’architecture, le plan stratégique présente une stratégie de gestion qui guidera la firme dans un horizon de trois à cinq ans, et parfois même 10 ans.

La planification stratégique est un processus structuré qui donne lieu à un énoncé clair de la mission et de l’objet d’une firme dans la prestation de services professionnels, de sa vision de l’avenir et des mesures qu’elle doit prendre pour obtenir un succès durable à long, à moyen et à court terme. Le plan stratégique est une conception de l’avenir de la firme. C’est un document qui détaille les décisions et les mesures de gestion qui doivent être prises, et qui trace la voie à suivre pour le développement d’une firme d’architecture en termes clairs et concis. Il doit déterminer les éléments suivants :

  • la mission et les valeurs de la firme;
  • une vision pour l’avenir de la firme;
  • comment ces valeurs s’harmonisent avec les segments de clientèle que la firme désire attirer;
  • la ou les propositions de valeur de la firme d’architecture qui décrivent ce qu’elle a d’unique à offrir;
  • les mesures nécessaires pour acquérir les ressources, attirer des partenaires et innover;
  • des objectifs mesurables à long, à moyen et à court terme.

Les firmes entreprennent souvent une analyse SWOT (forces, faiblesses, possibilités, menaces) dans le cadre de l’élaboration de leur plan stratégique.

L’alternative à la planification stratégique est de permettre à des événements extérieurs de se dérouler et d’influencer ou de contrôler la direction d’une firme. Plutôt que de chercher des occasions spécifiques qui correspondent à l’objectif et aux capacités d’une firme, le fait de saisir les occasions au fur et à mesure qu’elles se présentent entraîne l’instabilité qui accompagne une croissance ou une contraction non planifiée, et la vulnérabilité aux forces du marché.

La planification stratégique est un processus qui requiert le sens des affaires, l’intelligence du marché et le leadership des dirigeants de la firme. Il n’existe pas de processus unique et correct pour la planification stratégique. On peut trouver des outils et des techniques utiles dans de nombreuses sources, y compris la matrice du modèle d’affaires. Les consultants en services professionnels peuvent faciliter les processus de planification stratégique et fournir leurs propres outils et techniques pour aider les dirigeants de la firme à préparer leur plan stratégique.

Généralement, un plan stratégique couvre un horizon de trois à 10 ans et il faut continuellement le mettre à jour. En plus des éléments mentionnés précédemment, il doit comprendre ce qui suit :

  • une ou des propositions de valeur délivrées de manière efficace et efficiente par des canaux s’adressant à des segments de clientèle visés;
  • un plan financier qui comprend des projections de flux de revenus et des structures de coûts;
  • une description des principales ressources, y compris les ressources humaines et les systèmes technologiques, les principales activités génératrices de valeur et les partenariats stratégiques;
  • le processus et le calendrier de révision du plan stratégique.

Dans certains cas, il peut être approprié d’y inclure un plan de succession ou un plan de gestion des risques.

La planification stratégique requiert beaucoup de discipline, car il faut mettre de côté les tâches et les exigences de l’activité quotidienne et rester concentré sur l’avenir. Il existe une variété d’outils et de techniques facilement disponibles pour soutenir les différentes étapes de l’élaboration d’un plan stratégique. Certains sont assez simples à utiliser, mais peuvent nécessiter un encadrement pour démêler les causes sous-jacentes des problèmes, voir au-delà de l’aspect superficiel et oser penser au-delà des défis immédiats. La liste ci-dessous présente certains des nombreux outils courants de collecte et d’analyse d’informations qui sont utiles dans un processus de planification stratégique. Voir la liste des références à la fin de ce chapitre pour des ressources supplémentaires.

Le remue-méninges :

  • crée librement des idées et génère l’innovation sans analyse ni critique.

L’analyse d’affinité :

  • structure les idées en groupes thématiques.

L’analyse SWOT :

  • examine les forces et faiblesses internes d’un organisme, ainsi que les possibilités et les menaces externes.

L’analyse SOAR :

  • examine les forces et les possibilités, les aspirations et les résultats d’un organisme.

L’analyse de l’écart :

  • examine la situation actuelle, la situation souhaitée et les obstacles qui se trouvent sur la voie entre les deux.

Formes juridiques des firmes d’architecture

La structure d’une firme d’architecture est fonction de sa taille et de sa complexité. Il est fréquent qu’une firme fasse ses débuts sous la forme d’une entité simple, comme une entreprise individuelle, et évolue ensuite vers une structure juridique plus complexe, comme une société par actions ou un groupe de sociétés par actions. Plusieurs facteurs influent sur le choix de la forme juridique, notamment les relations avec les collègues professionnels, les incidences fiscales, et le degré d’exposition au risque des actifs personnels de l’architecte. Il est conseillé de consulter un avocat ou un comptable avant de choisir la forme juridique de sa firme et de s’informer de la réglementation en vigueur à ce sujet auprès de son ordre provincial ou territorial.

Toutes les relations d’affaires doivent être basées sur une convention écrite. Les partenaires d’affaires doivent partager certaines valeurs et certains objectifs financiers, et les architectes ne font pas exception. Pour les associés ou les actionnaires, une convention bien structurée est un outil qui permet de faire face à l’expansion aussi bien qu’aux difficultés et aux désaccords, ainsi qu’aux catastrophes. Il est essentiel d’obtenir les conseils professionnels d’un avocat et d’un comptable pour préparer une convention qui définit la propriété d’une firme d’architecture. La structure juridique de la firme doit être conforme aux lois et règlements des ordres d’architectes provinciaux ou territoriaux et à d’autres règlements relatifs aux affaires.

Voir  l’Annexe E – Tableaux : Comparaison des exigences de pratique de chaque ordre provincial ou territorial en matière d’exercice de la profession au chapitre 1.6 – L’organisation de la profession au Canada.


Entreprise individuelle

Une firme d’architecture individuelle est une firme à propriétaire unique. Cet architecte a le plein contrôle personnel sur tous les aspects de la firme. Le propriétaire d’une firme individuelle peut être un architecte qui exploite un petit bureau à domicile aussi bien qu’un architecte qui emploie de nombreux professionnels et paraprofessionnels. La plupart des firmes d’architecture au Canada sont des firmes individuelles.

Voir le chapitre 3.3 – Marque, relations publiques et marketing pour de l’information sur le marketing des services d’architecture.


Société de personnes

Une société de personnes comprend deux associés ou plus. La plupart des ordres d’architectes provinciaux et territoriaux imposent des restrictions sur les personnes avec lesquelles un architecte peut créer une société de personnes.

Voir l’Annexe E – Tableau C : Comparaison des exigences provinciales et territoriales concernant les sociétés, au chapitre 1.6 – L’organisation de la profession au Canada.

Une société de personnes peut comprendre des « collaborateurs associés » (associates); toutefois, seuls les associés principaux (partners) sont personnellement responsables des obligations du bureau. Chaque associé est à la fois conjointement et solidairement responsable de toutes les obligations de la société. Une société de personnes étant une forme d’entreprise complexe, il est important d’en définir les modalités dans un contrat de société. Pour connaître les éléments à inclure dans un tel contrat, voir l’Annexe B – Liste de contrôle : Questions à considérer dans les contrats de société de personnes à la fin du présent chapitre.


Société par actions

Une société par actions est une entité juridique collective autorisée par la loi à agir comme une entité d’affaires individuelle. La plupart des ordres d’architectes du Canada ont des règlements qui limitent la propriété des actions et les qualifications des administrateurs des sociétés par actions des architectes. Les ordres d’architectes ont différentes exigences relativement à la constitution des sociétés par actions. Voir l’Annexe E – Tableau D : Comparaison des exigences provinciales et territoriales concernant la propriété et la structure des sociétés qui exercent l’architecture, au chapitre 1.6 – L’organisation de la profession au Canada.

Diverses raisons peuvent amener une firme à se constituer en société par actions, notamment la volonté de permettre à un groupe de personnes d’agir comme une seule entité ou des questions de gestion fiscale. Il convient de demander des avis juridique et comptable avant de constituer une société par actions et de signer une convention entre actionnaires. Pour connaître les éléments à inclure dans une telle convention, voir l’Annexe C – Liste de contrôle : Questions à considérer dans les conventions entre actionnaires d’une société par actions à la fin du présent chapitre.


Groupe de sociétés par actions

Un groupe de sociétés par actions est une firme d’architecture structurée de manière à préserver l’identité individuelle de deux sociétés par actions ou plus. Il y a diverses raisons pour créer une telle entité qui :

  • permet à des architectes dont les firmes sont constituées en sociétés par actions pour des raisons fiscales ou financières d’exercer leur profession en tirant parti des avantages d’un regroupement aussi bien que de ceux de leur société par actions;
  • permet à deux firmes ou plus constituées en sociétés par actions de maintenir des identités distinctes pour certains types de projets, mais de joindre leurs forces pour d’autres;
  • permet de réunir des organisations visant des intérêts différents, mais complémentaires. Par exemple, l’une des sociétés peut se concentrer sur les services d’architecture alors que l’autre lui fournit des services de dessin, de l’équipement et divers biens meubles ou immeubles. 

Coentreprises

Les coentreprises (souvent appelées consortiums) sont généralement formées par deux firmes ou plus pour créer une entité architecturale aux fins d’un seul projet. Souvent, la coentreprise est créée pour offrir des services complémentaires relatifs à un projet donné – par exemple, une firme spécialisée dans le domaine hospitalier pourrait avoir besoin de faire équipe avec une firme installée à proximité de l’emplacement du projet pour que celle-ci fournisse les services d’administration du contrat, particulièrement les services de surveillance générale des travaux.

Les parties formant la coentreprise auront probablement besoin d’une assurance responsabilité spéciale pour le projet en question. Les architectes qui envisagent de travailler au sein d’une coentreprise doivent en discuter avec leurs assureurs de responsabilité professionnelle afin de déterminer les modalités d’assurance les plus appropriées. Les clients peuvent exiger des participants à une coentreprise qu’ils souscrivent une assurance distincte pour le projet, dont les limites sont plus élevées que celles des polices usuelles des firmes. Il est possible que de grandes institutions ou des gouvernements n’autorisent pas la coentreprise parce qu’ils sont préoccupés par son caractère transitoire. Ils peuvent même exiger qu’une seule partie assume la responsabilité, pour diverses raisons.

Les firmes d’architecte doivent définir clairement – et par écrit – la part des services et des honoraires de chaque partie avant de s’engager dans une coentreprise. Certains ordres provinciaux ou territoriaux réglementent les coentreprises et leurs dénominations. Pour les éléments à inclure dans un contrat de coentreprise, voir  l’Annexe D – Liste de contrôle : Questions à considérer lors de la préparation d’un contrat de coentreprise à la fin du présent chapitre.


Firmes multidisciplinaires

Les firmes multidisciplinaires sont celles qui comprennent des architectes et d’autres professionnels, habituellement des ingénieurs. Elles peuvent aussi comprendre des urbanistes, des architectes du paysage, des designers d’intérieur, des modélisateurs énergétiques, des concepteurs de bâtiments durables et d’autres consultants. Les firmes multidisciplinaires doivent se conformer aux exigences des ordres d’architectes provinciaux et territoriaux pour exercer l’architecture. Il est parfois avantageux que toutes les disciplines nécessaires à la réalisation d’un projet soient réunies au sein d’une même firme. La firme multidisciplinaire simplifie les communications et la coordination des diverses disciplines.


Firmes étrangères

Certaines firmes d’architecture de l’étranger ont établi des succursales au Canada. La structure de la firme étrangère et sa forme juridique doivent toutefois se conformer aux exigences des ordres d’architectes provinciaux et territoriaux. Par ailleurs, plusieurs firmes canadiennes ont établi des succursales à l’étranger pour mieux servir leurs clients.


Structure d’une firme d’architecture

Une fois qu’une firme est établie, elle doit se doter d’une structure ou de mécanismes internes pour fournir des services d’architecture. La structure adoptée dépend des valeurs et de la culture de ses dirigeants et des besoins du projet.

Il existe plusieurs structures organisationnelles standards :   

  • des équipes de conception ou ateliers (organisme basé sur des projets);
  • divisions structurées selon les responsabilités, telles que la conception, la production des documents et l’administration du contrat (organisme fonctionnel);
  • une combinaison de ces deux modèles, selon laquelle l’architecte du projet négocie avec les gestionnaires des services ou le gestionnaire du bureau pour acquérir les ressources nécessaires à la réalisation d’un projet particulier et travaille dans tous les services fonctionnels de l’organisme (organisme matriciel).

Certaines firmes d’architecture subdivisent la firme en équipes qui réalisent un projet dans sa totalité; d’autres compartimentent la firme en diverses divisions, permettant à chacune de se spécialiser dans un type ou une phase de services d’architecture. Chacune de ces méthodes reflète une approche différente des responsabilités et des rapports hiérarchiques, ainsi qu’un équilibre différent en matière d’efficacité et d’efficience.


Équipes de conception ou ateliers permanents – Organisme basé sur les projets

Une équipe de conception est habituellement formée pour un projet particulier, d’une façon qui vise à tirer parti des compétences de la firme. Le chef d’équipe (ou chargé de projet), généralement un architecte, coordonne et gère l’équipe et traite avec le client, parfois en collaboration avec un patron responsable du projet. Certains bureaux établissent parfois des ateliers dont les membres restent ensemble et font équipe pendant une période indéterminée.


Divisions – organisme fonctionnel

Certaines grandes firmes divisent leur personnel en groupes ou en divisions. Chaque division est habituellement responsable d’une phase ou d’un volet du projet, comme :

  • le développement des affaires et le marketing;
  • la conception (projet préliminaire);
  • la préparation des documents du projet définitif;
  • l’administration du contrat de construction;
  • la spécialisation en programmation, en durabilité, en MDB;
  • le soutien en comptabilité, en ressources humaines, en technologie de l’information, en gestion, etc.

Toutefois, quel que soit le modèle de divisions, il doit toujours y avoir un architecte chargé de la supervision et de la direction du travail relié à la conception du projet.


Autres services professionnels

La firme d’architecture devra probablement recourir à plusieurs autres prestataires de services professionnels, notamment dans les domaines suivants :

  • services juridiques;
  • comptabilité et planification fiscale;
  • assurances;
  • investissements et planification de la retraite;
  • ressources humaines;
  • technologie de l’information.

Services juridiques

Il est important que l’architecte établisse une relation professionnelle avec un avocat, car il pourrait avoir besoin de ses services pour :

  • créer une société de personnes ou une société par actions;
  • préparer les procès-verbaux annuels de la société par actions;
  • conclure un bail ou acheter un immeuble pour la firme;
  • préparer des ententes contractuelles avec certains employés;
  • examiner les options relatives à l’assurance responsabilité professionnelle et aux réclamations;
  • examiner des contrats entre client et architecte qui ne sont pas des contrats normalisés ou des modifications à des contrats normalisés;
  • examiner des contrats entre maître de l’ouvrage et entrepreneurs qui ne sont pas des contrats normalisés ou des modifications aux contrats normalisés (au nom du client);
  • contribuer à la perception des comptes qui font l’objet de litige;
  • s’occuper de tout autre différend ou litige (privilèges ou hypothèques légales);
  • s’occuper de problèmes de ressources humaines.

L’architecte devra peut-être établir une relation avec plusieurs avocats qui ont de l’expertise dans des domaines particuliers de la profession ou encore avec un grand cabinet d’avocats qui compte des experts dans divers domaines.


Comptabilité et planification fiscale

Il est également important que l’architecte établisse une relation avec un comptable, car il pourrait avoir besoin de ses services pour :

  • créer une firme, que ce soit une firme individuelle, une société de personnes ou une société par actions;
  • déterminer les modalités financières d’un contrat de société de personnes ou d’une société par actions;
  • préparer les bilans périodiques et les états de profits et pertes;
  • préparer les états financiers annuels;
  • préparer les déclarations d’impôt sur le revenu personnelles et celles de la firme;
  • aider à la préparation des déclarations de taxes de vente et de taxes à la valeur ajoutée;
  • aider un avocat à la préparation des procès-verbaux annuels de la société par actions;
  • analyser la position financière de la firme;
  • fournir des conseils de planification fiscale.   

Certains grands bureaux ont à leur service un contrôleur, habituellement un professionnel de la comptabilité, chargé de diriger et de surveiller les activités financières courantes du bureau. Même dans ce cas, il peut demeurer nécessaire d’engager un comptable externe pour fournir :

  • des conseils en planification fiscale;
  • des conseils réguliers sur la position financière de la firme;
  • des états financiers;
  • au besoin, des états financiers vérifiés.

Voir aussi le chapitre 3.4 – Gestion financière pour d’autres questions à examiner avec un comptable et une vue d’ensemble des opérations financières d’une firme d’architecture.   


Assureurs

Une firme d’architecture a divers besoins en matière d’assurance et notamment dans les domaines suivants :

assurance responsabilité professionnelle :

  • couverture générale;
  • couverture spéciale pour un projet particulier;
  • couverture complémentaire ou « excédentaire ».

En plus de l’assurance reliée à ses activités, la firme peut aussi avoir besoin :

d’assurance bureau et automobile :

  • vol et vandalisme;
  • accident;
  • incendie et autres dommages;
  • véhicules, y compris les véhicules de location;

assurance vie et accident :

  • personnelle;
  • pour associés et dirigeants;

assurance invalidité pour couvrir :

  • les frais généraux;
  • la perte de contrats;
  • le revenu personnel (protection du revenu);

assurance médicale et dentaire :

  • soins médicaux complémentaires;
  • soins dentaires;
  • soins de la vue;

accidents de travail (assurance réglementée par les provinces).

Pour s’assurer qu’elle dispose d’une couverture adéquate, la firme doit consulter un conseiller en gestion de risques indépendant ou un courtier en assurances expérimenté.

Quelques ordres d’architectes ont établi des liens avec des compagnies d’assurances qui fournissent aux architectes des primes à prix réduit. L’assurance de la responsabilité professionnelle est un type spécialisé d’assurance, qui n’est fourni que par un nombre limité d’assureurs, et aussi par l’Ontario Association of Architects Indemnity Plan (qui appartient à l’OAA) et par le Fonds d’assurance de la responsabilité professionnelle de l’Ordre des architectes du Québec qui offrent l’assurance responsabilité professionnelle à leurs membres.

Voir aussi l’Annexe E – Tableau B : Comparaison des exigences provinciales et territoriales concernant l’assurance responsabilité professionnelle du chapitre 1.6 – L’organisation de la profession au Canada.


Investissements et planification de la retraite

Bien que ce ne soit pas unique à la profession, tous les architectes devraient planifier leur retraite et, en conséquence, solliciter des conseils d’un professionnel de l’investissement financier pour s’assurer de la bonne planification de sa retraite.

Voir aussi le chapitre 3.2 – Planification de la succession pour d’autres considérations liées à la planification de la retraite.


Références

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Annexes