Introduction
La phase de l’esquisse est la phase du projet au cours de laquelle les besoins et les désirs du client déterminés lors des études préconceptuelles prennent une forme physique et architecturale. Elle vise à transformer les résultats des études préconceptuelles (voir le chapitre 6.1) en un concept de « ce qui sera bâti ». Le chapitre 6.3 – Projet préliminaire examinera quant à lui « comment ce sera bâti ». Le terme « esquisse » représente la phase illustrative importante au cours de laquelle l’architecte peut fournir de la valeur ajoutée en déployant sa créativité et sa capacité de synthétiser des besoins variés et souvent opposés. À ce stade, l’architecte et le client s’entendent sur les grandes lignes d’un projet qui représente une synthèse des éléments suivants :
- la nature de l’emplacement (y compris les caractéristiques physiques, le milieu et le voisinage, les paysages de rue et les restrictions réglementaires);
- la planification des espaces décrite dans le programme fonctionnel du client;
- l’image ou les objectifs philosophiques que le client désire projeter;
- l’approche de l’architecte comme concepteur.
L’esquisse englobe la résolution physique des principaux critères de conception (tels que définis par les exigences et objectifs du programme) qui forment « l’échafaudage » spatial, architectural et structural sur lequel le projet préliminaire et le projet définitif seront développés.
L’esquisse est basée sur un énoncé de conception ou un programme fonctionnel élaboré à la phase préconceptuelle (voir le chapitre 6.1). On ne saurait trop insister sur les avantages et la valeur d’un programme mûrement réfléchi et élaboré avec soin. Le fait d’entamer la phase de l’esquisse sans avoir préalablement achevé les études préconceptuelles entraîne des risques de retard, de dépassement de coûts et de lacunes dans la conception. La « feuille de route » de la phase préconceptuelle oriente le processus de conception tout au long du cheminement vers la construction.
Durant la phase de l’esquisse, l’architecte teste le programme du client et étudie divers agencements de plans et de volumes, sans perdre de vue le budget. Idéalement, à la fin de cette phase, l’architecte a mis au point une ébauche de projet qui constitue la meilleure synthèse possible de tous les facteurs en cause.
Il y a diverses façons d’élaborer l’esquisse d’un projet. Le travail en équipe de conception intégrée formée de professionnels multidisciplinaires de la conception et du client en est une. Parfois, un facilitateur aide l’équipe à déterminer des objectifs et à les atteindre. La durabilité est l’un de ces objectifs si l’on tient compte des répercussions de toutes les décisions de conception sur le cycle de vie du bâtiment. Inévitablement, il faudra faire des compromis. Par exemple, le choix de fenêtres à haute performance entraînera un coût initial plus élevé, mais il permettra de réduire la capacité et le coût de l’équipement mécanique et les frais d’exploitation futurs.
Il est important de documenter toutes les décisions de conception, quel que soit le projet. À la phase de l’esquisse, l’intégration du plan d’ensemble, des caractéristiques de l’enveloppe et des systèmes mécaniques et électriques optimise la contribution de chacune des disciplines à la conception du projet.
Il y a plusieurs façons de documenter les décisions de conception. La méthode traditionnelle qui consiste à superposer des croquis peut encore aider à tester les concepts du programme. Toutefois, les logiciels actuels permettent aux architectes de réaliser une modélisation préliminaire, de développer rapidement des prototypes et de présenter le bâtiment sous forme de modèle tridimensionnel. Ces nouvelles technologies font en sorte que le travail de conception est plus « intense en amont », pendant les phases de l’esquisse et du projet préliminaire. Par conséquent, si on les utilise, il est justifié d’ajuster le calendrier de travail, le temps du personnel et la facturation en conséquence, pour facturer une plus grande partie des honoraires totaux du projet à la phase de l’esquisse. Par exemple, la modélisation des données du bâtiment (MDB) permet à l’architecte de modéliser la performance énergétique prévue, mais il faudra consacrer beaucoup de temps à produire toutes les données nécessaires pour que le modèle soit précis.
À mesure que le caractère du projet apparaît, il peut devenir évident que certains détails du programme doivent être modifiés. Si généralement c’est le programme qui oriente l’esquisse, il arrive parfois que ce soit l’esquisse qui oriente le programme. Tout au long de cette phase du projet, les hypothèses formulées pendant les études préconceptuelles sont testées pour découvrir toute incohérence ou tout conflit, mais aussi pour découvrir de nouvelles possibilités d’utiliser plus efficacement l’espace. Il faut valider les hypothèses formulées précédemment pour que le travail de conception puisse être axé sur des initiatives rigoureuses et viables.
C’est maintenant le temps d’apporter des corrections, car la conception commence à aller sérieusement de l’avant. La phase de l’esquisse est une occasion d’affiner certains éléments des exigences du client et d’ajuster les relations spatiales avant d’entamer la phase du projet préliminaire.
La phase de l’esquisse est également celle au cours de laquelle l’architecte rassemble les membres de l’équipe de conception, y compris les ingénieurs, qui :
- se familiarisent avec les possibilités et les défis que l’emplacement présente;
- étudient le potentiel de différents matériaux et systèmes et de différents modes de réalisation du projet;
- obtiennent de l’information détaillée sur l’emplacement, notamment sur les services publics tels que l’eau, les égouts, le gaz, l’électricité et la gestion des eaux pluviales;
- établissent les paramètres techniques du projet;
- examinent leurs hypothèses de conception avec l’architecte et le client.
La participation des stagiaires du bureau peut être bénéfique à cette phase du projet. Ils ont souvent passé leurs dernières années à élaborer des concepts. Il est relativement facile pour eux d’adopter le point de vue critique qu’ils ont développé en milieu universitaire pour effectuer une critique constructive du projet naissant.
Voir aussi la liste de contrôle pour l’évaluation d’un emplacement, au chapitre 2.3.4 – Études préconceptuelles.
Relation client-architecte
La réussite d’un projet s’évalue de bien des façons, mais la plus cohérente est peut-être celle où l’architecte et le client se perçoivent comme des coparticipants au processus de conception et où ils définissent et partagent ensemble les objectifs du projet. C’est d’ailleurs l’esprit évoqué dans la section Conditions générales du Guide d’utilisation du Document Six de l’IRAC (2018) :
Conditions générales
GC0 Préambule
0.1 Les modalités du présent préambule sont intégrées au présent contrat et en font partie.
0.2 Le présent contrat est conclu à l’avantage mutuel du client et de l’architecte aux fins de la réalisation du projet.
0.3 Le présent contrat doit être interprété de façon équitable et raisonnable.
0.4 La relation entre le client et l’architecte doit être fondée sur le respect mutuel, le soutien, l’ouverture et la bonne foi.
0.5 La conception finale du projet est inconnue au moment de la conclusion du présent contrat et l’examen de solutions et l’adaptation aux circonstances évolutives sont des aspects essentiels de la relation entre le client et l’architecte. Le présent contrat prévoit et permet les rajustements nécessaires pendant la conception et la construction du projet.
0.6 Le client reconnaît que l’architecte a une obligation de diligence en vertu de la loi, de son statut professionnel d’architecte et de son code de déontologie professionnel.
0.7 Le client et l’architecte reconnaissent que la réussite du projet dépend de la relation de respect mutuel, de soutien, d’ouverture et de bonne foi entretenue avec le constructeur.
Tout au long de la préparation de l’esquisse, le dialogue architecte-client se poursuit, au fur et à mesure que l’architecte produit des propositions venant répondre de façon précise à des exigences du projet. Il est important que les parties restent d’accord sur les questions fondamentales décrites dans le programme fonctionnel. Pour faciliter une participation active du client et préserver le climat de confiance entre toutes les parties prenantes du projet, l’architecte doit gérer les communications et s’assurer que toutes les questions de conception et les budgets de construction soient présentés comme étant ouverts à la discussion. Ces communications doivent être entièrement consignées et documentées.
L’architecte doit préparer des procès-verbaux des réunions de conception et les remettre à toutes les parties aux fins de leur examen et de leur approbation. Lors des réunions importantes, il est préférable qu’un autre membre consigne les discussions et les décisions qui y sont prises, ce qui permet à l’architecte du projet de se concentrer sur l’engagement des parties prenantes et sur les questions de conception en cours de discussion. C’est une excellente occasion de faire participer les stagiaires et le personnel junior du bureau.
La participation active du client facilitera la résolution des problèmes liés à des éléments du programme et facilitera la prise de décision s’il faut apporter des modifications au projet. Il est essentiel d’examiner régulièrement l’évolution de la conception avec le client et d’obtenir son accord sur les décisions qui sont prises aux étapes clés du projet. Des architectes ont souligné que certains clients hésitent à approuver les décisions de conception, notamment pour les raisons suivantes :
- ils ne sont pas tout à fait certains que la direction prise pour la conception est la solution optimale;
- ils craignent que l’approbation entraîne des honoraires additionnels pour toute modification ultérieure;
- comme l’approbation est souvent associée à l’envoi d’une facture par l’architecte pour les services rendus, les différences entre la perception du client et celle de l’architecte concernant l’étendue des travaux peuvent devenir un point de conflit.
En cas de désaccord, il n’y a pas de solution unique dans la gestion de la relation client-architecte. Toutefois, les principes généraux de l’engagement actif des parties prenantes et la communication ouverte et transparente permettront d’obtenir les approbations nécessaires pour favoriser la prise de décision.
Il est également important de revoir périodiquement le budget du projet pour s’assurer que les solutions proposées répondent à toutes les exigences fonctionnelles tout en restant abordables. Par ailleurs, le client peut également augmenter ou diminuer le budget pour l’adapter à de nouvelles idées.
Dans le cas d’un projet de construction spéculatif ou de modes alternatifs de réalisation de projet de construction, il se peut que l’architecte n’ait pas accès à toutes les parties prenantes utilisatrices. C’est alors le client qui est considéré comme étant le représentant des groupes d’utilisateurs. L’architecte peut demander au client de confirmer officiellement les décisions importantes avec ces groupes d’utilisateurs, d’autres parties prenantes ou des associations. La transparence des communications est un élément fondamental du Document Six de l’IRAC, comme le prévoient ses conditions générales. L’architecte doit recevoir une copie de toute la correspondance pertinente entre le client et l’entrepreneur; il en va de même pour tous les autres participants à l’évolution du projet.
Pour garantir le bon déroulement du projet et l’utilisation optimale du temps de conception, le contrat entre l’architecte et le client doit explicitement exiger que le client fournisse des informations adéquates et que l’architecte obtienne une approbation écrite formelle de l’esquisse avant d’aller de l’avant. Le client, en tant que participant actif, veille à ce qu’il n’y ait pas de faux pas ou de surprises au fur et à mesure de l’avancement du concept pendant cette phase.
Dans le cas d’un projet réalisé en mode « accéléré », lorsque certains éléments de la construction, comme le défrichement du site, le nivellement, la mise en place des remblais structuraux et les fondations, sont entrepris avant que le bâtiment ne soit entièrement conçu, il est important d’identifier les risques inhérents, d’en discuter avec le client et de s’assurer qu’il comprend bien la situation. Lorsque les travaux de conception et de construction ne sont pas exécutés selon la séquence usuelle, il est difficile d’éviter la reprise de certains travaux et les dépenses qui y sont associées.
Informations requises avant de commencer l’esquisse
Le client doit fournir à l’architecte un programme fonctionnel qui définit :
- les exigences fonctionnelles et les relations spatiales (contiguïtés);
- la flexibilité et la prise en compte d’un agrandissement éventuel;
- les équipements et les systèmes spéciaux;
- les exigences ou les contraintes relatives à l’emplacement;
- un budget de construction réaliste;
- des objectifs de durabilité;
- un échéancier ou un calendrier.
En plus du programme fonctionnel, le client doit fournir des informations complètes sur les conditions du terrain, et notamment :
- l’arpentage et le levé topographique;
- les éléments du règlement de zonage à considérer;
- un rapport sur les conditions du sous-sol, y compris la présence de matières dangereuses et autres polluants;
- si le projet consiste en la rénovation d’un bâtiment existant, tout rapport d’évaluation ou d’état du bâtiment et une évaluation des matières dangereuses;
- tout autre rapport de spécialiste susceptible d’avoir un impact sur le projet.
Si le client n’a pas en main toute cette documentation typique de la phase préconceptuelle (voir le chapitre 6.1), l’architecte peut l’aider à l’obtenir en agissant alors comme conseiller. Il s’agit d’un travail supplémentaire qui entraîne une responsabilité professionnelle additionnelle. La rémunération globale pour la phase de l’esquisse doit donc en tenir compte. L’architecte peut également demander au client de retenir les services d’experts indépendants pour fournir les informations nécessaires, notamment parce que son assurance responsabilité professionnelle ne couvre pas certains services spécialisés, par exemple l’évaluation des substances dangereuses et l’arpentage légal et le levé topographique. L’architecte doit veiller à ce que le client soit bien conscient que le manque d’information peut entraîner un risque pour les phases ultérieures du projet.
Il n’est pas rare que les clients souhaitent transférer des risques liés à la maîtrise de l’ouvrage à des tiers, y compris à l’architecte. C’est ainsi qu’un client peut vouloir que tous les services liés à un projet, y compris ceux énumérés ci-dessus, soient fournis par une source unique. Le désir de transférer les risques peut aller plus loin en ce sens qu’un propriétaire peut exiger que ceux qui fournissent les services les garantissent exempts de quelque erreur ou omission. Par exemple, si un rapport sur les substances désignées omet de mentionner la présence d’amiante qu’il faudra enlever dans un endroit donné, c’est le responsable du rapport et non le propriétaire du bâtiment qui devient responsable de l’enlèvement. En règle générale, l’architecte doit faire comprendre au client qu’en tant que propriétaire du bâtiment, il doit également assumer la responsabilité des risques liés à ce statut.
La conception est un processus d’apprentissage pour toutes les parties concernées. Tout au long de l’élaboration de l’esquisse, de nouvelles idées surgissent et des hypothèses sont remises en question. Le client peut constater que son intention et sa vision initiales sont désormais discutables, ce qui entraîne un manque de clarté des objectifs du projet. L’esquisse doit alors être retardée jusqu’à ce que les parties en reviennent à une compréhension commune des objectifs du projet. Toute participation de l’architecte à la programmation et à l’obtention d’informations manquantes est considérée comme un service additionnel ou discrétionnaire et doit être facturée en conséquence.
À mesure que la préparation de l’esquisse avance, l’architecte confirme les considérations techniques et réglementaires et :
- intègre les matériaux et les modes de construction appropriés (avec des recherches sur la durabilité et les questions de cycle de vie);
- consulte les ingénieurs pour tenir compte des exigences techniques de leur discipline;
- s’assure de la conformité du projet aux codes du bâtiment applicables;
- tient compte de la réglementation concernant la santé et la sécurité du travail;
- s’assure du respect des règlements de zonage et de design urbain.
Pour terminer l’esquisse, l’architecte doit procéder à une recherche exhaustive des exigences urbanistiques et techniques et des règlements des autorités compétentes concernant les impacts environnementaux, le contrôle du plan d’ensemble, le zonage, le stationnement des véhicules et les distances limitatives. Toutefois, à cette phase du projet il procédera généralement à un examen général de la conformité au code, plutôt qu’à une analyse détaillée.
Étude des espaces, des circulations et des volumes
Dans le cadre de l’analyse préliminaire, l’architecte préparera souvent une série de diagrammes d’espaces pour déterminer les dimensions comparatives, les relations et les contiguïtés optimales des aires fonctionnelles et des espaces prévus. Il pourra établir les proportions et les volumes relatifs et, les données étant ainsi rationalisées, commencer la planification et la conception architecturales préliminaires avec une plus grande confiance.
De plus, il peut examiner les plans de circulation piétonnière et véhiculaire reliant les espaces concernés et les contraintes applicables à l’emplacement, ce qui se fait généralement en même temps. Il peut ajouter l’apport des ingénieurs et d’autres consultants, notamment en ce qui concerne les besoins en espace mécanique et électrique, la circulation des véhicules et les systèmes de transport vertical, au programme de recherches effectué à ce stade. L’apport des ingénieurs permet de déterminer la superficie et le volume nécessaires pour les locaux de service à ce stade très préliminaire.
Dans le cas de bâtiments complexes et de grandes dimensions, l’architecte devrait demander au client d’approuver ces diagrammes au fur et à mesure de leur production. Ces « approbations » permettent à l’architecte de contrôler les étapes du calendrier et de demander légitimement des honoraires additionnels si le client apporte par la suite des modifications à des travaux déjà approuvés.
Après avoir entrepris et établi quelques relations de planification de base par le biais de ces diagrammes de flux et d’espace, l’architecte, avec la contribution de l’équipe de conception intégrée, commence alors à créer la forme globale que prendra le projet.
Au moyen de croquis, de modèles de blocs et d’autres approches de conception, l’architecte explore diverses formes et volumes relatifs pour le projet de bâtiment. À partir de ces études :
- il établit la forme et la volumétrie du bâtiment;
- il visualise les espaces séparant le bâtiment projeté des bâtiments existants;
- il détermine l’effet du soleil, de l’ombre, de la neige, de la pluie et du vent sur le bâtiment projeté et son environnement.
Processus de conception intégrée
Toute partie d’un terrain, d’un bâtiment ou d’un système est touchée par les autres parties. Par exemple, un changement de fenêtres entraîne des modifications aux systèmes de chauffage, ventilation et conditionnement d’air (CVCA), des modifications aux commandes et des modifications au système électrique. Les objectifs de la conception durable et régénératrice entraînent une demande accrue pour des bâtiments et des sites plus performants, ce qui nécessite des efforts de conception, des essais, une collaboration, une réflexion et des détails plus importants. Les systèmes de certification des bâtiments à haute performance exigent désormais que les processus de conception fassent preuve de méthodes intégratives où toutes les disciplines travaillent ensemble pour résoudre des problèmes complexes et interdépendants qui ne peuvent être résolus de manière satisfaisante si chaque discipline travaille isolément.
Le processus de conception intégrée (PCI) requiert une compréhension approfondie des systèmes naturels présents dans l’environnement et une conception fondée sur des éléments probants. Il exige également un changement de mentalité par rapport au mode de conception, aux processus et aux opérations de la firme. De nombreux concepts, modèles et méthodologies ont été proposés pour mettre en œuvre le PCI, et chaque firme d’architecture, avec son équipe d’ingénieurs et de consultants spécialisés, doit développer et affiner sa propre méthodologie pour obtenir les meilleures performances et un avantage concurrentiel dans un marché toujours plus exigeant.
Le PCI est une approche visant à optimiser les systèmes du bâtiment : les composants, comme l’aménagement paysager, les travaux de génie civil, la structure, l’orientation, l’enveloppe, l’éclairage et la ventilation, sont considérés comme interdépendants. Le PCI requiert généralement des ressources initiales supplémentaires, mais il a l’avantage final d’assurer une plus grande cohérence de la conception globale du bâtiment et de ses systèmes. Pendant la phase de l’esquisse, l’architecte coordonne l’équipe de conception, qui comprend notamment les ingénieurs civils, et les ingénieurs en structure, en mécanique et en électricité. La participation d’autres consultants spécialisés peut être nécessaire, en fonction des conditions du site et des exigences du programme (par exemple, si le projet comprend un auditorium, un spécialiste en acoustique voudra peut-être contribuer à la forme de cet espace, même à ce stade précoce). Les ingénieurs participent à la préparation du budget de construction soumis à l’issue de la phase de l’esquisse (voir le chapitre 4.2 – Planification et contrôle du coût de construction du projet). Le projet progressera plus facilement si les ingénieurs et autres consultants se familiarisent avec les exigences du site et du programme dès le début du processus.
À mesure que la forme générale de l’installation se dégage des données programmatiques, les ingénieurs des différentes disciplines collaborent avec l’architecte pour développer un mode de conception et de construction approprié aux objectifs du projet. La participation des ingénieurs dès le début de la conception du projet est un facteur important pour obtenir la synthèse des éléments du bâtiment qui peuvent entraîner une réduction des coûts d’investissement et une amélioration de la performance du bâtiment.
Le PCI exige le mouvement fluide des données et des informations au-delà des frontières des entreprises. Il est important d’analyser les approches technologiques de la communication et de la gestion de l’information ainsi que de la production et de la distribution des connaissances. Les processus de la modélisation des données du bâtiment (MDB), et les logiciels qui les rendent possibles, ont fourni aux équipes de conception et de construction les moyens de produire et de communiquer des données complexes sur la conception, la construction et l’exploitation des bâtiments. Voir le chapitre 3.7 – Systèmes technologiques ainsi que le chapitre 5.6 – Gestion des données du bâtiment pour un supplément d’information à ce sujet.
Un aspect important de l’utilisation d’un logiciel de MDB, c’est qu’il impose la cohérence du langage graphique entre les disciplines. Cela facilite le partage efficace et intégré des dessins. Ce régime de conception et de production en collaboration commence dès la phase de l’esquisse.
Évaluation et sélection d’autres solutions
Le programme du projet peut permettre de suivre plusieurs pistes pour la planification ou pour le développement de concepts architecturaux. Dans ces circonstances, l’architecte peut proposer plus d’une solution à son client.
À la phase de l’esquisse, ces autres solutions devraient prendre la forme de diagrammes rapidement esquissés pour traiter des questions telles que la circulation, la planification et les aspects volumétriques du projet sans développer les détails d’architecture. Certains clients peuvent vouloir examiner plusieurs options, en reconnaissant que cela démontrera un examen approfondi des possibilités. Ces options devraient toutefois se limiter à de simples diagrammes de planification. Le nombre de ces itérations exploratoires doit être convenu à l’avance afin que tous les honoraires associés aux études multiples soient pris en compte dans le contrat professionnel. Une solution de conception devrait ensuite être choisie avec le client et développée plus en détail. L’architecte doit trouver un équilibre entre la prestation d’un niveau approprié de services de base et la réalisation d’études approfondies qui doivent être considérées (et facturées) comme des services optionnels ou supplémentaires.
Les autres solutions doivent être évaluées et choisies dans le cadre d’une discussion et d’une analyse impartiales des avantages et des inconvénients de chacune d’entre elles, sur la base des critères suivants :
- l’exhaustivité de la réponse au programme et au budget;
- la satisfaction des exigences de relations fonctionnelles et de proximité;
- la conformité aux objectifs de durabilité préalablement établis;
- les mérites de tout assemblage structural et de tout système mécanique ou électrique de remplacement proposé;
- la comparabilité des performances du bâtiment, y compris :
- le rapport entre aire de plancher nette et aire de plancher brute;
- le rapport entre aires de circulation et aires de plancher utilisables;
- le rapport entre superficie des murs et aire de plancher;
- le coût initial, le coût exploitation et le coût d’entretien (bien qu’à ce stade, les calculs de coûts soient spéculatifs et le resteront jusqu’à ce que la conception soit détaillée).
L’architecte doit recevoir une « approbation officielle » du client de la solution retenue avant de poursuivre son travail.
Analyse du coût du bâtiment
À la phase de l’esquisse, l’architecte prépare des évaluations de coût préliminaires (ou collabore étroitement avec un consultant spécialisé en estimation des coûts) en se basant habituellement sur la superficie et le volume du bâtiment projeté, multipliés par les coûts unitaires régionaux appropriés (voir le chapitre 4.2 – Planification et contrôle du coût du projet de construction).
Parfois, il apparaît clairement à la phase de l’esquisse que le budget du client ne permet pas de répondre à ses attentes. Le concept peut prouver ou infirmer les études fondamentales effectuées à l’étape préconceptuelle. Si le programme préconceptuel est irréalisable dans les limites du budget établi, l’architecte doit travailler avec le client pour modifier l’étendue ou la qualité des travaux en conséquence. Le client peut aussi décider d’augmenter le budget ou d’abandonner le projet.
L’équipe de projet qui travaille selon un processus de conception intégrée (PCI) doit avoir tenu compte du budget dès le début de la conception et elle doit bien comprendre ses obligations contractuelles de ne pas concevoir un bâtiment ou choisir des matériaux, des assemblages ou des systèmes qui sont au-delà des moyens du client. S’il est impossible de réaliser le projet dans les limites du budget et selon le programme du client, l’équipe du PCI devra envisager de décider si elle poursuit le projet ou non.
Documentation et présentation
Les documents de la phase de l’esquisse illustrent les relations fonctionnelles des éléments du projet ainsi que l’échelle et le caractère du projet, en se basant sur la version finale du programme fonctionnel, le calendrier et le budget de construction. Pour la présentation de cette phase et de son rapport, il est possible que les documents de chacune des disciplines se trouvent à diverses étapes de conception. Comme il est important que le rapport saisisse les objectifs du client et de l’équipe de conception, il faut donc avoir bien compris les attentes du client. Il peut être utile de transmettre au client des esquisses et des rapports de projets antérieurs. Il est recommandé d’inclure les éléments suivants au dossier de présentation de l’esquisse :
- un plan d’ensemble qui illustre l’emplacement proposé et la circulation sur le terrain;
- des diagrammes de blocs fonctionnels qui illustrent les aires et les relations spatiales (contiguïtés) et les circulations;
- des coupes verticales pour illustrer la hauteur du bâtiment et les hypothèses initiales relatives à la structure;
- des élévations du bâtiment pour montrer la volumétrie;
- des croquis illustratifs, des rendus en perspective ou des présentations produites par ordinateur (à un niveau de concept seulement, il faut éviter de montrer un produit fini, ce qui serait trompeur à cette phase);
- des maquettes de volumes en trois dimensions.
En plus de ces documents, il est souvent approprié de présenter un rapport (pas toujours exigé, mais toujours recommandé, qu’on appelle le rapport de la phase de l’esquisse) traitant des éléments suivants :
- l’approche ou la philosophie de conception;
- une explication de l’adéquation entre le concept et les objectifs de la phase préconceptuelle ou les attentes du client;
- un sommaire qui soutient les décisions prises et qui laisse entrevoir les activités de la phase suivante;
- une description des cibles de durabilité établies et des caractéristiques environnementales (utilisation prévue de matériaux ou d’assemblages spéciaux en faisant valoir les économies opérationnelles et énergétiques que ces éléments peuvent entraîner);
- le coût de construction probable (avec les qualifications appropriées; voir le chapitre 4.2 – Planification et contrôle du coût du projet de construction) qui identifie les risques potentiels reliés aux coûts;
- le degré d’avancement de l’étude des codes du bâtiment et de la réglementation concernant l’environnement, l’urbanisme et le zonage;
- l’échéancier préliminaire pour la conception et le début et la fin de la construction et une recommandation sur le type de contrat de construction (montant forfaitaire, design-construction, gérance de projet, etc.);
- la description des systèmes de structure, de mécanique et d’électricité et des espaces nécessaires pour ces éléments (y compris les gaines verticales);
- la confirmation des calculs et analyses de base des superficies;
- les données concernant l’emplacement;
- la description des produits et des matériaux; des échantillons des principaux matériaux et revêtements.
L’architecte fait la revue des documents de l’esquisse avec son client et doit obtenir l’approbation écrite de celui-ci avant de passer à l’étape du projet préliminaire.
Documents contractuels normalisés et listes de contrôle
Une liste des services à fournir à la phase de l’esquisse apparaît à l’Annexe A ou à l’Annexe B, Services de l’architecte et obligations du client, à utiliser avec la Formule canadienne normalisée de contrat pour les services de l’architecte – Document Six de l’IRAC.
On peut aussi trouver, à la fin du chapitre 5.1 – Gestion du projet de conception, une description détaillée de la gestion d’un projet d’architecture qui comprend notamment les exigences applicables à la phase de l’esquisse.
Références
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